Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mardi 6 et mercredi 7 septembre 2022
Chaque année en ouverture de saison depuis son ouverture, la Philharmonie de Paris offre à son public de grands moments de fêtes symphoniques avec les orchestres qui comptent parmi les plus illustres au monde. Cette année, c’était au tour du légendaire Philadelphia Orchestra, l’un des « Big Five » des Etats-Unis dont le renom a été porté par quelques-uns des plus grands chefs d’orchestre de l’histoire de la musique depuis sa fondation en 1900 par Fritz Scheel : Leopold Stokowski pendant vingt-six ans, Eugene Ormandy pendant quarante-quatre ans, Riccardo Muti pendant douze ans, Wolfgang Sawallisch pendant dix ans, puis Christophe Eschenbach et Charles Dutoit, avant Yannick Nézet-Séguin depuis 2012…
Les deux premiers concerts de la saison 2022-2023 de la Philharmonie étaient donc confiés au Philadelphia Orchestra dirigé par son directeur musical Yannick Nézet-Séguin. Le chef canadien a programmé en première partie du premier de leurs deux concerts deux œuvres d’autant de compositeurs états-uniens, mais à l’écriture et aux styles si proches que l’auditeur attentif a eu l’impression d’entendre deux fois la même partition : la compositrice « contemporaine » Valerie Coleman ayant « copié » Samuel Barber et son œuvre phare, Knoxville a Summer of 1915… Où est donc le temps où l’Orchestre de Philadelphie dirigé par Léopold Stokowski ou Eugene Ormandy programmaient des partitions des plus complexes en les interprétant comme des classiques, tels Mahler, Schönberg, Webern ou Ives ?… Néanmoins, ce n’est assurément pas des pièces dont on se souviendra, mais bel et bien de l’excellente soprano Angel Blue qui les a chantées, voix colorée, charnelle, ample, généreuse, riche en aigus souples et rayonnants.
La Symphonie n° 3 « Eroica » de Beethoven a été pur enchantement. Energiquement menée, voix clairement détachées et conduites en toute limpidité, chants et contrechants bondissant et sonnant avec grâce, le centre de l’œuvre qu’est la Marche funèbre a impressionné par sa détermination, sans pathos, chef et orchestre rendant simplement le tragique général mais de façon objective et mâle.
Un bis un brin mièvre concluait ce premier concert, Adoration d’une certaine Florence Price… La soirée était dédiée au pianiste chef d’orchestre allemand
Lars Vogt, directeur musical de l’Orchestre de Chambre de Paris qui s’est éteint
lundi 5 septembre à 51 ans des suites d’un cancer du foie contre lequel il se
sera longuement battu.
Concert exceptionnel le lendemain pour le second rendez-vous fixé par le Philadelphia Orchestra et Yannick Nézet-Séguin au public de la Philharmonie de Paris, avec une fantastique Lisa Batiashvili en soliste. Vêtue aux couleurs de l’Ukraine, la superbe violoniste géorgienne a donné un époustouflant Concerto pour violon et orchestre n° 1 op. 35 du Polonais Karol Szymanowski, brûlant comme de la lave en fusion, faisant de l’orchestre un authetique partenaire, orchestre qui à chaque instant, y compris dans les tutti les plus puissants, a permis à la soliste de s’exprimer pleinement tissant avec elle des alliages sonores d’une beauté et d’une modernité stupéfiantes, tandis que le magnifique Poème pour violon et orchestre op. 25 du Français Ernest Chausson a atteint une intensité expressive et une plastique hallucinante. Deux bis s’en sont ensuivis, l’un en duo avec le chef au piano à l’arrière scène à jardin (Beau soir de Claude Debussy) l’autre en solo à l'avant-scène (Doluri d’Alexej Machavariani).
L’orchestre, déjà extrêmement brillant dans les concertos, a scintillé de tous ses feux
dans une phénoménale Symphonie n° 7 en ré mineur op. 70 de Dvorak emplie de
sève vivifiante dans laquelle le chef canadien a proposé une impressionnante
chorégraphie depuis son pupitre. Deux bis de nouveau ont peaufiné la soirée que
musiciens et publics se plaisaient à prolonger à satiété, Prière pour l’Ukraine du compositeur ukrainien le
plus célèbre, Valentin Silvestrov, et la 21e
Danse hongroise de Johannes Brahms.
A l’issue du concert, Yannick Nézet-Séguin s’est vu remettre par Laurent Bayle, fondateur et ex-directeur de la Philharmonie de Paris, la médaille d’Officier de l’ordre des Arts et Lettres.
Bruno Serrou
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