Christophe Desjardins (1962-2020). Photo : DR
Proche des compositeurs de notre temps, homme discret, d’une élégance de cœur indéfectible et au sourire d’une indicible douceur, à l’instar
des sonorités et du timbre de son instrument mal-aimé, Christophe Desjardins
aura largement contribué à la valorisation de l’alto comme l’instrument de la modernité
musicale, autant soliste que concertant. Véritable boulimique de création, il a
notamment participé à la création d’œuvres de George Benjamin, Luciano Berio,
Pierre Boulez, Jonathan Harvey, Michael Levinas, Philippe Manoury, Wolfgang
Rihm, Marco Stroppa…
Christophe Desjardins (1962-2020). Photo : DR
Pour le quotidien La
Croix, j’en avais dressé le portrait
voilà douze ans, le 20 février 2008, à l’occasion de la parution de deux de ses
disques, auxquels il convient d’ajouter un disque magnifique
intitulé Amore Contrafatto (Amour contrefait) avec Rachid
Safir et son ensemble vocal Solistes XXI. Il est le fruit de sa collaboration avec Gianvincenzo
Cresta (né en 1968) dont Devequt II pour six voix et alto se
fonde sur des laudes de Jacopone da Todi (v.1230-1306) (1). Texte que je reprends ici…
Christophe Desjardins (1962-2020). Photo : DR
… « Un vrai gentleman est un homme qui sait jouer de
l’alto mais préfère que cela ne se sache pas. » Et du gentleman, l’altiste
Christophe Desjardins en a le port, la douceur du regard, le verbe posé, la
circonspection. Ce musicien ne rechigne heureusement pas à se produire en
public. S’il est un altiste de talent, aimant à défricher les terres vierges,
c’est bien lui. « Je me suis tourné vers l’alto par caprice, sourait-il. A
dix ans, et je ne supportais pas l’aigu du violon et je tenais à un instrument
plus personnel. Or l’alto est secret et moins couru. » Et pour cause, il a
toujours été le mal-aimé des instruments à cordes de l’orchestre, considéré
comme l’attribut des violonistes sans prédisposition. Image fallacieuse, nombre
de grands musiciens pratiquant l’alto, Mozart, Schubert, Paganini...
Christophe Desjardins. Photo : DR
Mais c’est au XXe siècle que l’alto acquiert
ses titres de noblesse, grâce à Paul Hindemith et des instrumentistes comme Maurice
Vieux et William Primrose, commanditaire du Concerto pour alto de Béla Bartók.
En France, Serge Collot porta l’alto au premier plan, formant toute une école
française au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, dont
Christophe Desjardins, qui enseignera à son tour l’alto au Conservatoire
National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon. C’est par le biais de ce
professeur, altiste du Quatuor Parrenin, du Domaine musical et soliste de
l’Opéra de Paris, qu’il découvre Pierre Boulez. « Mais ce sont mes quatre
années passées à la Monnaie de Bruxelles qui m’ont aguerri, se félicitait-il. Elles
m’ont permis de découvrir le répertoire de l’opéra dans des conditions idéales,
comme alto solo. »
Christophe Desjardins. Photo : DR
Né à Caen en 1962, c’est donc à La Monnaie de Bruxelles
que Desjardins commence à travailler avec les compositeurs, se voyant dédiée sa
première partition, Surfing de Philippe Boesmans. « Je place la
création très haut. Quand elle est en écriture, je veux imaginer qu’elle est la
plus grande du monde, et j’entends la jouer au mieux et me l’approprier. »
En 1990, il entre à l’Ensemble Intercontemporain de Pierre Boulez dont le
directeur musical est à l’époque le compositeur hongrois Péter Eötvös. « Ce
bâtisseur construit les œuvres comme les institutions pour que la musique vive
au plus haut, disait Christophe Desjardins de Pierre Boulez. Il a étalonné
l’interprétation et le travail à un degré d’exigence extrême pour des musiques
à découvrir. » Parallèlement à son activité au sein de l’Ensemble,
Desjardins se produisait avec son instrument vénitien de Goffriller de 1720 en
musique de chambre et en soliste, et il a enregistré de nombreux disques aux
programmes particulièrement élaborés. Parmi ses enregistrements, outre ceux
cités plus haut, il faut également retenir deux disques indispensables pour qui
veut découvrir une musique des plus inventives d’aujourd’hui, l’un consacré à
Emanuel Nunes, l’autre à Tenebrae de Matthias Pintscher (2)
Bruno Serrou
1) 1CD Digression music DCTT23 (distribution
Stradivarius). 2) CD Aeon et Kairos
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