Heinz Holliger (né en 1939). Photo : DR
Heinz
Holliger est l’un des musiciens les plus passionnants de notre époque (1). Rencontré
à Sarrebruck le 24 mai à l’issue d’une répétition d’un concert avec la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern réunissant
ses lieder de jeunesse et des pages de ses amis Görgy Ligeti, qui aurait 90 ans ce 29 mai, et Witold Lutoslawski, dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance,
Holliger est un être captivant.
Hautboïste virtuose, chef d’orchestre réputé, son œuvre de compositeur est un
acte de résistance à l’égard du temps présent mû par l’espoir d’une
émancipation et la quête de l’inconnu. « Ma relation à la
musique est telle, dit-il, que je cherche toujours à aller jusqu’au bout. »
Ce qui fascine en effet chez
Holliger est un imaginaire sonore inouï associé à des idées radicales, le tout affermi
par une écriture éblouissante. Compositeur, interprète, pédagogue, Holliger est
aussi un citoyen engagé dans le combat contre les injustices. En cela, il est
proche d’un autre compositeur suisse, Klaus Huber, à qui le lie une spiritualité
partagée, une même lucidité face à la vie et à la mort.
Né non loin de Berne en 1939, universellement célébré comme hautboïste - il a enregistré trois cents disques et créé plus d'une centaine d'oeuvres -, il a donné au hautbois de nouvelles techniques de jeu, avant d’étendre ses recherches à
d’autres instruments en matière d’émission du son et de respiration. Elève à
Berne de Sándor Veress, disciple de Bartók, puis à Bâle de Boulez, dont il est
proche, mordu de Schumann, il associe sérialisme et rigueur de l’écriture, où
l’art du contrepoint du premier s’allie à la sensibilité harmonique du second, au
lyrisme d’un Schumann et d’un Berg, comme en témoignent ses choix littéraires,
de Georg Trakl, Friedrich Hölderlin et Nelly Sachs à Robert Walser et Samuel
Beckett. « Lorsque je compose, certaines choses jaillissent sans que rien
n’ait été préparé, D’autres sont longuement muries. Puis j’écris rapidement. L’œuvre
est déterminée dans ma tête jusqu'en ses moindres détails mais je renonce
souvent à une forme prédéterminée. J’aime la combinaison des temps mobile et immobile,
mais je ne supporte pas le temps de l’horloge - le comble pour un
Suisse. »
Il a fallu dix ans à Holliger pour
composer son cycle des saisons Scardanelli
Zyklus. Cette grande pièce pour flûte, ensembles vocal et instrumental, est
une œuvre somptueuse que Holliger dirige jeudi à Paris en ouverture du festival
ManiFeste de l’IRCAM. « Je n’ai choisi que des textes de la dernière
période de Hölderlin, celle de l’homme meurtri enfermé dans sa tour à Tübingen.
Ce cycle est comme un journal, mais sans éléments dramatiques. Le chef choisit
sa propre dynamique, sa propre conception d’ensemble. Sa seule contrainte est
de jouer au moins un cycle des saisons, mais il peut commencer sur n’importe
laquelle. » Autres pièces de Holliger présentées par le festival, des
pages pour piano par Jean-Frédéric Neuburger (1/06) et deux créations
françaises par Anu Komsi et Exaudi
(30/06).
Bruno Serrou
30/05-30/06. Rés. : 01.44.78.12.40.
http://manifeste2013.ircam.fr. A
noter la création de l’opéra Aliados
de Sebastian Rivas (15-19/06) Théâtre de Gennevilliers et un portrait du compositeur Yan Maresz (6,
19/06).
1) Cet article est paru dans le quotidien La Croix daté mardi 29 mai 2013
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