Jean-Michel Damase (1928-2013). Photo : DR
Auteur
d’une musique restée profondément ancrée dans la tradition et les salons des années
1920, Jean-Michel Damase est mort dimanche 21 avril 2013 à l’âge de 85 ans. Son
éditeur, Gérard Billaudot, m’avait confié voilà une quinzaine d’années la
rédaction de son portrait en introduction à son catalogue. Article que je
reprends ici.
Né à Bordeaux le 27 janvier 1928, Jean-Michel Damase est tout naturellement venu à la
musique. C’est sa mère, la harpiste Micheline Kahn, créatrice entre autres de
l’Impromptu de Gabriel Fauré et d’Introduction et Allegro de Maurice Ravel, qui l’élève à Paris. Il révèle alors
ses dons précoces pour la musique.
A cinq ans, il aborde le piano et le solfège à l’école Samuel-Rousseau. A neuf
ans, il signe sa première partition en mettant en musique des poèmes de
Colette, qu’il vient de rencontrer dans un salon parisien. En 1939, sous le
titre Enfants prodiges et enfant prodigieux,
la romancière publie dans Paris-Soir
des lignes élogieuses sur son jeune protégé alors âgé de onze ans.
Remarqué par Marguerite Long, qui le fait jouer en public au
Pavillon de l’Enfance de l’Exposition universelle de 1937, il devient à douze
ans l’élève d’Alfred Cortot à l’Ecole Normale de Musique de Paris. Puis il
entre au Conservatoire de Paris dans la classe d’Armand Ferté où il obtient son
Premier Prix de piano à l’unanimité en 1943. Deux ans plus tard, il est admis
dans la classe de composition d’Henri Busser et étudie l’harmonie et le
contrepoint avec Marcel Dupré.
À dix-neuf ans, il remporte le Premier Prix de composition avec un
Quintette et le Premier Grand Prix de Rome avec la cantate Et la Belle se réveilla. « Je n’avais aucune envie d’aller à
Rome, se souvenait-il. Mais mes camarades de classe se présentant, j’ai voulu
essayer. C’est lors de mon séjour Villa Médicis que je décidais de privilégier
la composition. Je continuais néanmoins le piano pour le seul répertoire
français, ce qui m’a permis de remporter le Grand Prix du Disque en 1960 avec
la première intégrale des Nocturnes
et des Barcarolles de Fauré.» Quoique
volontairement limitée, sa carrière de pianiste s’avère florissante et, outre
les récitals, il se produit en soliste avec les Orchestres Colonne, National de
l’O.R.T.F. et la Société des Concerts du Conservatoire.
Les œuvres de la première maturité de Damase trahissent l’aisance
technique du jeune compositeur qui produit quantité de musique au style élégant,
reflet de l’enseignement du Conservatoire. Admis très tôt parmi ses pairs,
Damase est soutenu par Henri Sauguet et Tony Aubin.
Toute son œuvre montre une intime connaissance des capacités
instrumentales, son orchestration est colorée, mais il privilégie la musique de
chambre, particulièrement pour instruments à vent (Quatre divertissements pour flûte et piano, Hommage à Klosé et 15 Etudes dans le style français pour
clarinette, Azur pour saxophone et
piano, Aspects pour cor et piano, Prélude, élégie et final pour trombone et piano, Quatuor de flûtes, Suite
pastorale pour trois flûtes etc...), les petits ensembles (Casino et lutheries pour flûte, harpe et
quintette à cordes, Rondo, Guitare, Cavatine, etc..), et les pages concertantes (un Concertino pour piano et orchestre à cordes qu’il affectionnait
particulièrement, une Rhapsodie pour flûte et orchestre à cordes), mais aussi
les partitions à portée pédagogique (Scherzando
pour orchestre junior, Suite en sol
pour orchestre à cordes junior, Cinq
petits dialogues pour marimba et harpe ou piano).
Outre les formations de musique de chambre, Damase se voue à la
musique d’essence dramatique. Il écrit son premier ballet pour Roland Petit, La croqueuse de diamants en 1950, puis
le marquis de Cuevas, pour qui il devient chef d’orchestre, lui commande Piège de lumière créé en 1952 qui, avec Balance
à trois (1955) pour Jean Babilée et La
Boucle (1957), forme un triptyque chorégraphique.
Sa rencontre avec son voisin Jean Anouilh l’incite à se tourner
vers le théâtre et l’art lyrique. « Appréciant son théâtre, rappelait
Damase, je finis par lui demander l’autorisation de composer un ouvrage lyrique
tiré de l’une de ses pièces. « Qu’est-ce que vous y trouvez ? me
demanda-t-il. Ce n’est qu’une histoire de boulevard... Que voulez-vous donc
mettre comme musique là-dessus ? Moi, ça ne me dit rien ! Commencez votre
travail, vous m’en jouerez un acte et je vous dirai si c’est possible.» C’est
ainsi que j’ai écrit Colombe en 1956,
puis Euridyce en 1972, Madame de en 1970 qu’il avait adapté de
Louise de Vilmorin, et il me confia les musiques de scène de La petite Molière et du Directeur de l’Opéra. »
Autre ouvrage lyrique de Damase, La
tendre Éléonore, opéra bouffe écrit sur un livret de Loys Masson créé le 10
mars 1962 à l’Opéra de Marseille. Il convient d’ajouter à cet ensemble d’œuvres
dramatiques les Onze psaumes de David
pour baryton solo, chœur et orchestre d’instruments à vent (1985).
Immédiatement accessible, Damase plaçait lui-même sa musique dans
la tradition française, une « musique a priori gaie, chantante, mais riche
d’une certaine nostalgie, d’une petite profondeur. » Quand on lui
demandait pourquoi il était resté fidèle à la tonalité, il répondait en riant : « Je
suis de nature fidèle ! ».
Bruno Serrou
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