mardi 17 juillet 2012

Le Festival Messiaen au Pays de la Meije et le Conservatoire National Supérieur de Paris se sont associés pour célébrer celui qui forma rue de Madrid en 37 ans d’enseignement l’élite internationale des compositeurs de plus de deux générations


La Grave-La Meije (Eglise) Monêtier-les-Bains (Salle du Dôme), Villar d’Arène (Place de l'église), samedi 14 et dimanche 15 juillet 2012 

Chaque été depuis 1998, Olivier Messiaen est célébré par l’un des festivals les plus originaux de France, le Festival Messiaen au Pays de la Meije. Cette manifestation estivale est en effet la seule exclusivement consacrée à la musique des XXe et XXIe siècles et à la création contemporaine. Elle se présente ainsi comme l’un des rendez-vous majeurs de la musique contemporaine, à l’instar de Musica de Strasbourg en septembre, Aujourd’hui Musiques de Perpignan en novembre et Les Musiques de Marseille en mai. Dans le village de 500 âmes qu’est La Grave et ses environs immédiats, le public, toujours plus nombreux quoique constitué en majorité de fidèles, la plupart bloquant les dates de leurs vacances en fonction de celles du festival, est particulièrement connaisseur, avec nombre d’inconditionnels de Messiaen. L’on y trouve aussi des curieux, souvent non-avertis mais vite conquis, et des musiciens, compositeurs et interprètes, qu’ils soient ou non programmés par le festival. Car, pour les adeptes de la musique de Messiaen – et ils sont nombreux, le compositeur n’ayant pas connu le purgatoire auquel ses semblables sont généralement voués après leur disparition –, le rendez-vous de La Meije est un pèlerinage immanquable. Depuis la première édition et ses quatre concerts, le rythme de croisière du festival s’est stabilisé à quinze concerts en neuf jours, mais le budget toujours humble. Pourtant, les plus grands artistes aiment à se produire aux pieds du Géant des Hautes-Alpes qui culmine à 3983 mètres d’altitude dans des programmes souvent pensés pour le festival, malgré des conditions d’accueil simples mais un peu mieux structurées depuis quatre ans, et la modestie des cachets.
La quinzième édition du festival, qui célèbre les vingt ans de la disparition du compositeur-pédagogue, est consacrée à la Classe de Messiaen au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où le maître enseigna pendant trente-sept ans, de 1941 à 1978. Tout d’abord titulaire de la classe d’harmonie, puis d’esthétique curieusement intitulée « philosophie de la musique », d’analyse ensuite, enfin de composition, à partir de 1966. Il enseigne aussi en Argentine, en Bulgarie, au Canada, aux Etats-Unis, en Finlande, en Hongrie, en Italie, au Japon… Si deux des élèves les plus célèbres sont Pierre Boulez, auquel le festival consacra l’édition 2010, et Yvonne Loriod, qui sera sa seconde épouse, il en est beaucoup d’autres qui se sont imposés parmi les créateurs les plus importants de ces soixante dernières années, tels Karlheinz Stockhausen, Jean Barraqué, Iannis Xenakis, Pierre Henry, Claude Vivier, Gérard Grisey, Tristan Murail, Michael Levinas, George Benjamin (1)… 

Comme me le déclarait voilà six ans Jean Boivin, auteur de l’étude La classe de Messiaen parue aux Editions Christian Bourgois en 2006, personne parmi ses élèves n’a jamais cherché à imiter la musique de Messiaen qui est inimitable, mais chacun a trouvé dans le discours que leur maître pouvait tenir selon leur propre personnalité, les uns et les autres se nourrissant à leur manière. L’on s’étonne en effet que Pierre Henry ait trouvé des éléments qui le fascinent au point qu’il les reprenne dans son travail, ainsi que Karlheinz Stockhausen, Gilbert Amy, François-Bernard Mâche ou Gérard Grisey... De fait, si l’on considère les œuvres de tous, il s’y trouve rien de commun. « Messiaen savait depuis les années 1960 que l’on parlait de sa classe de comme quelque chose de fondamental, rappelait Boivin. Je pense qu’il n’a pas été forcément très confortable comme professeur de composition, mais, si j’en crois ses élèves, ce qu’il préférait faire était des analyses d’œuvres, émettre des opinions. Messiaen n’était pas un universitaire ou un musicologue. Il n’avait pas une conscience historique de ses écrits comme peut par exemple en avoir Boulez. Ce dernier peut ne pas avoir de scrupule pour publier des textes qu’il a écrits dans les années 1940-1950 et qu’il n’écrirait sûrement pas aujourd’hui, mais il a une conscience historique de sa personne et de la portée que sa pensée a eue dans l’évolution de la musique de la seconde moitié du XXe siècle qui lui interdit de s’autocensurer. Tandis que Messiaen est avant tout un compositeur, un créateur, et s’il a gagné sa vie en enseignant, c’est presque un hasard. » Yvonne Loriod se rappelait, dans un entretien de onze heures qu’elle m’a fait la grâce d’accepter pour les archives de l’INA (2) : « Messiaen était un grand psychologue. Quand il a vu arriver Xenakis dans sa classe, il l’a observé. Xenakis lui disait : “ Il faut que je fasse de l’harmonie, je ne m’en sors pas, il faut que je fasse de l’harmonie. ”  Messiaen lui répondait : “ Vous êtes architecte. Ne faites pas d’harmonie, vous allez vous abîmer. Il faut que vous restiez dans ce que vous aimez. ” Xenakis a toujours voué une grande admiration pour Messiaen parce que Messiaen l’avait sauvé. Sans lui, il aurait fait des basses chiffrées, il se serait embarbouillé là-dedans, cela ne lui aurait pas rendu service. Messiaen a été vraiment fan de Xenakis. Chaque fois qu’il le pouvait, il soutenait les jeunes. Il a soutenu Dao, qui était aussi un révolutionnaire, il a eu du reste le prix chez lui. Il a beaucoup soutenu Grisey… Messiaen était vraiment très ouvert. Et quand Boulez était malheureux parce que son père refusait qu’il devienne musicien, lui disant : “ Tu seras mathématicien, mais tu ne feras pas de musique”, Messiaen prenait le métro avec Boulez pour le raccompagner jusque devant chez lui, rue du Beau treillis, dans le quatrième arrondissement de Paris, il le consolait du refus de son père, puis il revenait chez lui. C’est formidable quand même, un professeur qui fait ça ! »
La thématique « La classe de Messiaen » a été l’occasion pour le Festival Messiaen de passer cette année un accord liant la manifestation et le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris pour que les élèves de la grande institution française d’audience internationale de pédagogie musicale participent activement au festival dans les années futures. C’est la raison pour laquelle l’édition 2012 s’est inscrite si tôt dans le calendrier des festivals d’été, se déroulant la deuxième décade de juillet au lieu de la troisième habituelle. Ainsi, c’est sur un concert de l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire réunissant les élèves de troisième cycle des CNSM de Paris et de Lyon dirigé par le directeur du CNSMDP, le compositeur Bruno Mantovani, que s’est ouvert le festival, salle du Dôme de Monêtier-les-Bains, après un prologue donné le matin-même en l’église de La Grave par le pianiste Michel Béroff. 

Bien que donné par les élèves de l’institution dans laquelle Messiaen a enseigné, le programme proposé samedi soir n’avait rien à voir avec la classe de Messiaen, puisqu’il présentait de pièces d’Alban Berg et d’Edgard Varèse, ainsi qu’une création mondiale d’un jeune compositeur frais émoulu du conservatoire. Néanmoins, c’est sur l’une des grandes partitions pour piano et orchestre de Messiaen qu’a débuté la soirée, Oiseaux exotiques. Composée en 1955-1956, cette partition de moins d’une vingtaine de minutes est un pur joyau. Yvonne Loriod en a laissé un extraordinaire témoignage dans la gravure qu’elle a réalisée en 1968 à Prague, avec la Philharmonie Tchèque excellemment dirigée par Vaclav Neumann (3). Il s’agit de la deuxième œuvre pour piano et orchestre que Messiaen a consacrée à ses chers oiseaux, après Réveil des oiseaux qui, achevé en 1953, fait appel à un grand orchestre. Conçu pour un effectif instrumental plus réduit, Oiseaux exotiques est né à la demande de l’élève Pierre Boulez pour le Domaine musical, qui en a donné la création mondiale sous la direction de Rudolf Albert avec Yvonne Loriod au piano au Théâtre Marigny à Paris le 10 mars 1956 (4), année où il commençait son Catalogue d’oiseaux pour piano seul. Messiaen se veut ici moins ornithologue que dans l’œuvre précédente, associant aux chants d’oiseaux « de mœurs, de continents, de pays différents, des artistes qui s’ignorent et ne se rencontrent jamais » des rythmes grecs et indiens. Au total quarante-huit oiseaux de l’Inde, de la Chine, de la Malaisie et des Amériques, essentiellement du Nord, qui, tout au long des treize sections de l’œuvre, permettent des combinaisons de timbres rares qui suscitent un rendu harmonique et de couleurs que Messiaen identifient comme une « musique rouge, bleue, verte, pourpre, violette, comme les oiseaux eux-mêmes ». Dirigé par le directeur de leur établissement, Bruno Mantovani, d’un geste divisant la mesure vivement mais avec précision, les jeunes musiciens de l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire (OLC) se sont montrés minutieux et concentrés, mais rythmiquement un peu engoncés et secs, à l’instar des sonorités (parfois trop stridentes) d’ensemble dû à une acoustique non réverbérante, tandis que le piano de Varduhi Yeritsyan, compagne de Bruno Mantovani, a manqué de carnation et de luminosité, sans doute aussi en raison des particularités de la salle de Monêtier-les-Bains. 

Composé pour sept instruments (flûte, flûte basse, hautbois, clarinette/clarinette basse, basson et deux percussionnistes), donné en création mondiale, Orbitas est une œuvre prometteuse d’un compositeur chilien de 28 ans, Francisco Alvarado. Formé à l’Université catholique du Chili à Santiago puis au Conservatoire de Paris, ce jeune créateur se réclame à la fois de la tradition chilienne, du rock, du jazz et, surtout, de la musique française, particulièrement celle de Messiaen. Les quinze minutes de l’œuvre entendue samedi constituent non pas une révélation mais la découverte d’un compositeur prometteur mais encore en devenir, qui doit indubitablement beaucoup à Messiaen mais aussi, et surtout, à Pierre Boulez pour les sonorités étincelantes et cristallines qui émanent de l’œuvre.
C’est dans Octandre d’Edgar Varèse que les musiciens du troisième cycle des CNSM de Paris et de Lyon se sont imposés, ce qui dit combien cette œuvre en trois mouvements composée en 1924 pour huit instruments, comme l’indique le titre (ensemble d’instruments à vent avec contrebasse), a permis de goûter les belles sonorités du hautbois, de la flûte piccolo et de la contrebasse, ainsi que l’unité de l’ensemble. Si bien que l’on espère que le vœu exprimé au cours du concert par Mantovani d’inscrire Désert de Varèse au programme de cette formation se réalisera rapidement.
Le programme se concluait sur l’un des plus hauts chefs-d’œuvre de la musique concertante du XXe siècle, le Concerto de chambre pour piano, violon et treize instruments à vent d’Alban Berg. Ecrite entre 1923 et 1925, cette œuvre est la première des pièces dodécaphoniques de son auteur. C’est aussi la plus minutieusement élaborée et la moins facile à appréhender, tant la rigueur de l’écriture et de la structure organisée à partir de la symbolique du chiffre trois et de ses multiples est d’une complexité rare , le tout associé à un programme sous-jacent lié à la vie privée du compositeur : ouvert sur un Motto de trois motifs sur les initiales des membres de la Trinité viennoise (AS au piano, AW au violon et AB au cor) selon la notation allemande, le premier mouvement (Tema scherzoso con Variazioni) fait appel au piano concertant avec les treize instruments à vent, le deuxième (Adagio), associe le violon aux treize instruments, et le dernier (Cadenza) les deux solistes aux treize vents, soit 1 + 1 + 13 = 3 x 5, et trois familles instrumentales distinctes, tandis que tous les instruments sont sollicités jusqu’aux limites extrêmes de leur virtuosité, particulièrement les cuivres, qui, l’autre soir, étaient loin d’être parfaits. A l’instar des solistes, qui ne semblaient pas rassurés, particulièrement Hae-Sun Kang, qui exalte pourtant généralement de son violon des sonorités charnues et fruitées, mais dont l’archet s’est curieusement fait si pesant que les timbres se sont avérés trop gras et opaques, annihilant ainsi la légèreté et la luminosité de l’écriture violonistique de Berg qui annonce le Concerto « à la mémoire d’un Ange », tandis que les colorations trop comprimées du piano de Varduhi Yeritsyan n’ont pas réussi à se fondre à celles de la violoniste. 

En l’église de La Grave, quatre des neuf élèves de la nouvelle classe de troisième cycle « Répertoire contemporain et création » du Conservatoire de Paris que dirige Hae-Sun Kang sur l’initiative de Bruno Mantovani en résidence tout au long du festival, ont donné un premier concert consacré à quatre élèves de Messiaen, l’un d’eux leur offrant pour l’occasion une œuvre en création. La première pièce n’était pas de la main d’un disciple du maître, mais du directeur actuel du CNSM de Paris, Bruno Mantovani. Les Cinq Pièces pour Paul Klee pour violoncelle et piano sont de grande beauté. Inspirés par des tableaux du peintre-musicien allemand, ces cinq moments enchaînés composés à la demande des Rencontres de violoncelles de Beauvais 2007 sont autant d’études sur la notion de ligne, particulièrement importante chez Klee. Si la pianiste Violaine Debever a convaincu, ce n’est pas le cas du violoncelliste Askar Ishangaliyev, qui a dénaturé l’écriture particulièrement expressive et claire de Mantovani et suscité de nombreux décalages, accroché qu’il était sur une partition à laquelle il semblait n’être guère familiarisé, à l’instar de la pièce pour le même effectif donnée en création, Râgamalika, douze variations sur le même geste sonore mais sur une guirlande de modes indiens distincts de François-Bernard Mâche. Dans Arco vivo pour violoncelle seul de Nguyen-Thien Dao, ce fut pire encore, avec des attaques peu sûres, des notes à côté et une technique guère assurée. En revanche, A flanc de Bozat pour saxophones ténor et soprano et piano d’Alain Savouret a rappelé combien ce compositeur né en 1942 a de talent, ce qui rend inexplicable son absence dans les programmes des concerts. Cette œuvre inspirée d’un ballon du Massif central réputé pour désorienter les boussoles, compte trois mouvements virtuoses et colorés que Carl-Emmanuel Fisbach le bien nommé - avec pareille filiation, il ne peut en être autrement (Carl(-Philipp)-Emmanuel fils de Jean-Sébastien Bach - s’imposant non seulement par sa grande maîtrise technique, mais aussi par la plastique de ses sonorités et par son expressivité. Autre excellent musicien, Rémi Durupt, qui a brillé dans Phénix pour percussion que François-Bernard Mâche a composé en 1982 sur des rythmes indiens et qui restera notamment dans l’histoire de la musique comme la première œuvre musicale occidentale créée en Chine. Le percussionniste s’est ensuite associé à la pianiste dans les deux premiers mouvements des Espaces étnéens de Bruno Ducol, œuvre suggérée par la découverte par le compositeur du volcan sicilien qui y célèbre la magie, les particularités et les espaces qui entourent le géant menaçant qui sont non pas évoqués mais habilement suggérés. C’est à Violaine Debever qu’est judicieusement revenu le « mot » de la fin, avec la Première communion de la Vierge extraite des Vingt Regards sur l’Enfant Jésus d’Olivier Messiaen. A 27 ans, la jeune pianiste s’est montrée à l’aise dans toutes les configurations et avec tous les styles, s’imposant ainsi comme une musicienne accomplie assurément promise à un bel avenir. 

Mais l’événement de la présente édition du Festival Messiaen était indubitablement l’exécution en plein air, sur la place de l’église de Villar d’Arène, par les Percussions de Strasbourg de la grande partition pour six percussionnistes et électronique (sons fixés sur support) Le Noir de l’Etoile (5) de Gérard Grisey (1946-1998). Figure emblématique du mouvement spectral - bien qu’il lui préféra le terme « musique liminale » -, aux côtés de Tristan Murail, Michaël Levinas, Roger Tessier, Hugues Dufourt qui se sont réunis autour du groupe L’Itinéraire et dont des compositeurs comme Philippe Hurel, Philippe Leroux, Marco Stroppa ou Marc-André Dalbavie se réclament héritiers, cette musique se focalise sur les propriétés acoustiques du son et ses diverses mutations. A cette recherche de nouvelles sonorités se sont ajouté les travaux des acousticiens Emile Leipp, Michèle Castellengo et de leurs confrères réunis au sein du Laboratoire d’acoustique musicale de l’Université Paris VI. Composée en 1989-1990 à la suite d’une commande de l’Etat et des Percussions de Strasbourg, qui en ont donné la création le 16 mars 1991 au Festival Ars Musica de Bruxelles, introduite par un texte dit en voix off spatialisée de l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet, qui l’a repris lui-même en direct devant le public réuni à Villar d’Arène, l’œuvre conte le cycle sonore des pulsars (6) en cinquante-cinq minutes réparties en sept séquences (Introduction, « Fenêtres » I et II, « Découverte d’un autre espace sonore : les métaux », « Fenêtre » III, Final, « Fenêtre » IV) : la naissance d’une pulsation sonore et lumineuse venue de lointains pulsars, ses rotations, périodicités, accélérations et décélérations, la découverte de l’espace acoustique et visuel, le lent parcours qui conduit de la macrophonie à la microphonie, et l’attente de l’« objet céleste » (Introduction), la transmission du pulsar de Vela, la contamination de la vitesse du pulsar aux percussionnistes, les rotations, irrégularité, rapidité (Fenêtre I), l’arrivée en direct du pulsar 0359-54 capté par le radiotélescope de Nançay, l’interruption brutale par les percussionnistes (Fenêtre II), chaos granuleux, fusion, coagulations, émergences, bouffées rythmiques analogues aux sons transmis par le soleil (Découverte d’un autre espace sonore), un pulsar imaginaire (Fenêtre III), un déchaînement progressif des forces centrifuges sonores et variations de vitesse et accélération (Final), enfin l’instrument-pulsar (Fenêtre IV), qui n’est autre qu’une petite soucoupe métallique installée au centre du cercle des spectateurs sur laquelle l’un des percussionnistes clôt l’œuvre sur une résonance scintillante infinie. 

Donnée sous un froid à peine supportable dans un cercle fermé à la périphérie par les six pupitres de percussion qui entouraient le public au centre duquel était disposé une soucoupe métallique installée sur un piédestal, Le Noir de l’Etoile s’est avéré d’autant plus expressif et impressionnant qu’il était joué dans le paysage sublime au pied de la Meije et des montagnes environnantes qui jouxtent le col du Lautaret,  sous un ciel chaotique d’où la pluie a fini par tomber dans les dix dernières minutes du concert. Stoïques, les musiciens et les spectateurs, parmi lesquels se trouvaient de nombreux enfants du pays - ils ont été préparés à ce concert tout au long de l’année par leurs maîtres et par le directeur du Festival, Gaëtan Puaud – ont pu jouir du spectacle et de cette musique venue de la nuit des temps avec un plaisir évident, portés par la surprise et par le magnétisme des sons et des rythmes suscités par l’immensité du jeu et par la précision de la synchronisation des musiciens des Percussions de Strasbourg, qui célèbrent cette année les cinquante ans de leur fondation (7).

Bruno Serrou
1) George Benjamin, dont le second opéra vient de connaître un grand succès au Festival d’Aix-en-Provence, sera l’invité central de l’édition 2013 du Festival Messiaen au Pays de La Meije, à l’instar de Pierre Boulez en 2010. Il sera en effet son hôte à la fois comme compositeur et comme chef d’orchestre, à la tête notamment du London Sinfonietta
2) Cet entretien est accessible gratuitement sur le site de l’INA : http://www.ina.fr/grands-entretiens/video/Musique/Loriod

3) 1CD Supraphon
4) Les micros des disques Adès ont capté ce concert réédité dans un coffret de 4CD « Pierre Boulez - Le Domaine musical vol. 1, 1956-1967 » (Accord/Universal)
5) Les Percussions de Strasbourg ont enregistré Le Noir de l’Etoile chez Accord/Universal. Mais la stéréophonie aplanit considérablement la spatialisation qui ne peut être  perçue qu’à l’écoute de l’œuvre en direct
6) Découverts fortuitement en 1967 par Antony Hewish et son élève Jocelyn Bell, les pulsars émanent de l’explosion d’étoiles massives en fin de vie, les supernovas. Ils produisent un signal périodique, allant du millième de seconde à quelques dizaines de secondes.

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