Salle Pleyel, mercredi 11 avril 2012
Photo : DR
C’est un véritable hymne au lied,
avec tout ce que le genre sous-tend de drame, d’intériorité, d’onirisme, de
transcendance, qu’a proposé hier soir l’Orchestre de Paris. Entre deux étapes
de ses grands cycles schubertiens avec Christoph Eschenbach en cette même Salle
Pleyel, Matthias Goerne a été cette semaine l’invité de la phalange parisienne
pour une série de onze lieder mettant en regard le Viennois Franz Schubert et
le Bavarois viennois d’adoption Richard Strauss, tandis que l’orchestre
proposait deux pages symphoniques d’un autre grand du lied, le Rhénan Robert Schumann.
Il s’agissait en fait pour Goerne de fondre son timbre profond et lumineux, son
art sans pareil du phrasé, son sens inné du mot aux chatoyances de l’orchestre dans des
pages originellement écrites pour la voix et le piano mais orchestrées par
d’autres mains que celles de l’auteur, à l’exception de quatre des sept lieder que Richard Strauss instrumenta lui-même.
Orchestrés pour élargir l’audience
de pages essentiellement réservées à l’intimité du cercle familial ou des salons, les arrangements
avec orchestre des lieder de Schubert ont retrouvé une certaine audience grâce particulièrement
aux concerts suivis du disque enregistré Cité de la Musique paru en 2003 chez
DG de Claudio Abbado dirigeant l’Orchestre de Chambre d’Europe, la mezzo-soprano Anne-Sofie von
Otter et le baryton Thomas Quasthoff. Se présentant plus détendu que lors de ses récitals
avec piano, Matthias Goerne ne s’en est pas moins montré concentré et engagé
que de coutume, brossant des saynètes comme vécues de l’intérieur, dites sur le ton
de l’intime confidence. Le baryton allemand communie avec son public, en toute
confiance, sans réserve ni fausse pudeur, se livrant corps et âme sans barrière
ni filet. Tout est exprimé avec authenticité, le chanteur vivant littéralement
le texte qu’il magnifie par une simplicité époustouflante, sans fioriture ni accentuation, loin de la distanciation et de l’intellectualisation qu'y mettait
son maître Dietrich Fischer-Dieskau. Si certaines notes, certains mots
semblent venir du plus secret de l’âme tant le chanteur va les chercher loin
dans son corps, comme pour les expulser violemment mais une fois lesdits mots à la lisière
des lèvres, le regard et la respiration se détendent pour les laisser éclore
dans une lumière d’une prodigieuse humanité.
La structure du programme chanté par Goerne faisait alterner lieder de Schubert orchestrés par Johannes Brahms (magnifique Greisengesang D. 778), Max Reger et Anton Webern, chacun mettant sa propre griffe tout en respectant les intentions de Schubert, et lieder de Richard Strauss, la plupart orchestrés par le chef d’orchestre Robert Heger de façon plus sombre et opaque que ne l’aurait fait Strauss, plus sensuel et étincelant, et que l’on a plus l’habitude d’entendre chantés par une soprano que par un baryton, du moins dans leur version avec orchestre, Dietrich Fischer-Dieskau les ayant tous plus ou moins interprétés à la scène comme au disque dans leur version avec piano. Ruhe, meine Seele et, surtout, Morgen !, ont été des moments d’une force phénoménale, à faire pleurer les pierres, comme le chante Golaud dans Pelléas et Mélisande. La résonance de l’ultime « Schweigen » fut si bouleversante dans l’orchestre, qui a su si admirablement épouser avec une chaleur toute humaine le nuancier vocal de Goerne, qu’il s’est avéré impossible de s’extraire de ces moments d’une incroyable intensité. Pourtant, l’impossible fut surmonté lorsque, en guise d’offrande ultime à son public d’un soir, le baryton se lança dans un hymne à la musique de Schubert orchestré par Max Reger, An die Musik, d’une tendresse enchanteresse.
La structure du programme chanté par Goerne faisait alterner lieder de Schubert orchestrés par Johannes Brahms (magnifique Greisengesang D. 778), Max Reger et Anton Webern, chacun mettant sa propre griffe tout en respectant les intentions de Schubert, et lieder de Richard Strauss, la plupart orchestrés par le chef d’orchestre Robert Heger de façon plus sombre et opaque que ne l’aurait fait Strauss, plus sensuel et étincelant, et que l’on a plus l’habitude d’entendre chantés par une soprano que par un baryton, du moins dans leur version avec orchestre, Dietrich Fischer-Dieskau les ayant tous plus ou moins interprétés à la scène comme au disque dans leur version avec piano. Ruhe, meine Seele et, surtout, Morgen !, ont été des moments d’une force phénoménale, à faire pleurer les pierres, comme le chante Golaud dans Pelléas et Mélisande. La résonance de l’ultime « Schweigen » fut si bouleversante dans l’orchestre, qui a su si admirablement épouser avec une chaleur toute humaine le nuancier vocal de Goerne, qu’il s’est avéré impossible de s’extraire de ces moments d’une incroyable intensité. Pourtant, l’impossible fut surmonté lorsque, en guise d’offrande ultime à son public d’un soir, le baryton se lança dans un hymne à la musique de Schubert orchestré par Max Reger, An die Musik, d’une tendresse enchanteresse.
Ces moments d’une singulière densité
ont été encadrés par deux partitions pour orchestre de Robert Schumann, l’ouverture
Manfred, réorchestrée par Gustav Mahler
en 1909, avec rien moins que neuf contrebasses et le reste des cordes en
proportion, et la délicieuse Symphonie n°
1 en si bémol majeur dite « du
Printemps » op. 38, dont les beautés ont été malheureusement altérées
par le souvenir des extraordinaires instants passés en compagnie de Matthias
Goerne restés vivaces jusque longtemps après la fin du concert…
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