Salle Pleyel, Mercredi 25 janvier 2012
Viktoria Mullova - Photo : DR
Johannes Brahms va décidément extrêmement bien à l’Orchestre
de Paris... Dès sa première année d’existence sous ce nom, en 1967, son
fondateur, Charles Münch, ancien premier violon de l’Orchestre du Gewandhaus de
Leipzig qui avait beaucoup d’affinité avec la musique du maître de Hambourg qu’il
dirigeait souvent notamment comme chef titulaire du Boston Symphony Orchestra (1949-1962),
avait inscrit Brahms au programme de l’Orchestre de Paris qu’il venait de créer
à l’instigation du compositeur Marcel Landowski alors directeur de la Musique
au ministère de la Culture d’André Malraux. Cet atavisme a permis aux
directeurs musicaux successifs de la phalange parisienne ainsi qu’à ses chefs
invités de proposer des interprétations de tout premier plan de l’œuvre orchestrale
de Brahms, de ses concertos au Requiem
allemand. Le son grave et brûlant de l’Orchestre de Paris convient singulièrement
aux couleurs de l’orchestration de Brahms, qui avait indubitablement la tête
dans les timbales. Avec le concerto pour violon et la deuxième symphonie, ce sont
deux œuvres composées à un an de distance à Pörtschach-am-Wörthersee en
Carinthie qui ont été proposées hier soir. Ces deux partitions reflètent un
même sentiment de plénitude, malgré des moments plus sombres, comme l’Adagio de la symphonie, et méditatifs,
comme le mouvement lent du concerto. Pourtant, dans l’une comme dans l’autre, il
ne se trouve rien de tragique, pas une once de pathos, mais bel et bien l’écho
d’une radieuse sérénité.
A l’instar de Herbert Blomstedt voilà deux semaines,
Paavo Järvi a disposé premiers et seconds violons de deux côtés du plateau,
violoncelles entre premiers et altos et les contrebasses derrière les premiers.
Dix-neuf ans après sa première apparition avec l’Orchestre de Paris, dans le Concerto « à la mémoire d’un ange » de Berg dirigé
par Pierre Boulez, Viktoria Mullova apparaît toujours plus rayonnante, la
maturité en plus, jouant avec une maîtrise de son et d’archet impressionnante
qui paraît si naturelle qu’elle peut exalter sans restriction les ineffables
beautés du Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77 de
Brahms gorgé de soleil et d’allégresse. Järvi et l’orchestre se sont faits davantage
que des partenaires, d’authentiques compagnons enveloppant de leurs timbres
délectables un violon enchanteur pour brosser de concert une chatoyante
symphonie concertante. Les sonorités fruitées et pleines de la violoniste russe
ont donné le change à l’élégance de sa physionomie élancée légèrement couverte
d’une robe noire aux transparences savantes. Autre œuvre dans la tonalité de ré
majeur, composée quelques mois auparavant, la Symphonie n° 2 op. 73 a été emportée avec flamme par un Paavo Järvi
énergique et virevoltant. Le chef estonien a offert une interprétation à donner le tournis. L'Orchestre de Paris lui a donné la pareille en répondant comme un seul homme
à la moindre de ses sollicitations, magnifique de cohésion, de cantabile. Comme
sur-vitaminés, tous les pupitres seraient à citer, tant la virtuosité et la
fusion ont été totales.
En ouverture de programme, Paavo Järvi a inscrit l’une
des Symphonies « parisiennes »
de Joseph Haydn, le 83e en sol
mineur, surnommée « La Poule »
en raison des timbres serrés du hautbois et du tour gauche du motif traînant
exposé au violon dans le mouvement initial, Allegro
spiritoso, pourtant ouvert sur une intonation très dramatique. Cette
partition d’une vingtaine de minutes a introduit avec grâce et vivacité le
climat de la soirée tout en luminosité affable.
Bruno
Serrou
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