Lille (Hauts-de-France). Opéra de Lille. Mardi 10 octobre 2023
Première production nouvelle de la saison du centenaire de l’Opéra de Lille,
la vingtième de sa directrice, Caroline Sonrier, à sa tête, le Don Giovanni de Mozart fascine par la direction
énergique, dramatique, contrastée, rythmée d’Emmanuelle Haim et par le brio de
son Le Concert d’Astrée. Pas une seconde de perte de tension.
Le siècle d’existence de l’Opéra de
Lille ne s’est pas fait sans heurts, et il a connu moult vicissitudes. Et c’est
tout à l’honneur de l’excellence de la politique artistique et financière de
Caroline Sonrier que les deux dernière décennies ont conduit l’opéra de la
capitale des Flandres françaises au sommet de la hiérarchie des théâtres
lyrique de l’hexagone, à moins d’une heure de distance de l’Opéra de Paris au
sud et du Théâtre de la Monnaie de Bruxelles au nord. Femme d’idées de de
gestion rigoureuse, Caroline Sonrier avait toutes les qualités et compétences pour
devenir la première femme à la tête de l’Opéra de Paris, mais les pouvoirs
publics l’ont ignorée, Lille, ville à gauche de l’échiquier politique, étant
peut-être une cause d’inéligibilité… Tirant le maximum des moyens mis à sa
disposition, elle a réussi la gageure de faire de l’institution lyrique du nord
l’une des plus novatrices et prospères de France (1), donnant quantité de
créations lyriques contemporaines avec une équipe artistique réduite, sans
orchestre ni ballet, mais en mettant en résidence divers ensemble de très
grande qualité selon leurs spécialités, de la musique ancienne, avec Le Concert
d’Astrée d’Emmanuelle Haïm et l’ensemble Ictus pour la création contemporaine,
l’ensemble Le Banquet et l’Orchestre National de Lille…
Cette fois, contrairement à l’Opéra de Paris avec la production d’Antonello Manacorda et Claus Guth présentée voilà un mois (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/09/don-giovanni-de-mozart-fataliste-lopera.html), Emmanuelle Haïm et Guy Cassiers ont respecté la partition de Mozart en son entier, préservant le sextuor final et sa grande fugue-moralité. Néanmoins, la conception du chef-d’œuvre lyrique de Mozart est plus noire encore que celle présentée à Paris en provenance de Salzbourg. La vision de Guy Cassiers, des plus surprenantes, situe l’action de façon inattendue dans un abattoir autour de carcasses d’animaux écorchés, avec des projections en gros plan de monceaux de chair sanguinolentes plus ou moins abstraites et mouvantes réalisées par les vidéastes Frederik Jassogne et Bram Delafonteyne, jusqu’au finale où, une fois gavé de chair autant humaine qu’animale, le corps en lambeaux de Burlador pénètre plus ou moins dans un vagin gorgé d’hémoglobine comme pour retourner d’où le vil séducteur était venu…
Bruno Serrou
1) L’Opéra de Lille aurait publié
un livre pour l’occasion, mais impossible d’en dire un mot, l’ouvrage n’ayant
pas été remis à l'ensemble de la presse
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