Musicien-poète, Wilhelm Kempff est de ces pianistes qui ont forgé la
légende de l’instrument-roi. Considéré comme l’un des derniers grands
romantiques allemands du piano, son legs discographique est considérable. Son principal
éditeur en publie la quasi-totalité en quatre-vingt CDs et quatre vingt douze
heures de musique
La vogue des volumineux coffrets réunissant la somme des enregistrements d’un label confiés aux grands musiciens du passé ou en fin de carrière permet d’embrasser la totalité ou peu s’en faut l’évolution d’une personnalité artistique sur l’ensemble de sa vie. Justement considéré comme l’un des plus grands pianistes du XXe siècle, Wilhelm Kempff a mené une carrière prestigieuse sur plus de soixante ans, de 1917 à 1982, et il demeure aujourd’hui encore le modèle de l’interprétation de Bach, Beethoven et Schubert. Il est le dernier représentant de la grande tradition allemande du piano de la génération née à la toute fin du XIXe siècle, aux côtés d’Arthur Schnabel (1882-1951) et de Wilhelm Backhaus (1884-1969). Comme eux, il était à la fois pianiste et compositeur, mais, comme eux aussi, il est moins connu comme créateur que comme interprète.
Né le 25 novembre 1895 à Jüterbog dans le Brandebourg, mort à Positano en Italie le 23 mai 1991, fils et petit-fils d’organistes, l’orgue dont il est lui-même virtuose, Wilhelm Kempff entre à 9 ans à la Haute Ecole de Musique de Berlin, où il étudie le piano et la composition, avant de faire des études à l’Université en philosophie et histoire de la musique. En 1916, il commence sa carrière professionnelle comme pianiste-organiste accompagnateur du Chœur de la cathédrale de Berlin, et, l’année suivante, il donne son premier récital avec deux monuments du piano, la Sonate « Hammerklavier » de Beethoven et les Variations Paganini de Brahms. A l’instar de Bach qu’il a d’abord pratiqué comme organiste, Beethoven et Brahms deviendront ses compagnons de route. Le jeu de l’orgue et son tour improvisateur donnent à son jeu une liberté inouïe, avec un sens du rubato et du cantabile hors norme qui instille aux œuvres qu’il joue un onirisme saisissant, qui laisse après chaque écoute un sentiment de renouveau continu, chacune de ses lectures paraissant d’une brûlante spontanéité.
Wilhelm Kempff (1895-1991). Photo : DR
Ses Bach sonnent au piano comme s’il
s’agissait de pages pour l’orgue, au point qu’il allait transcrire pour le
piano plusieurs partitions pour orgue. Il gravera trois intégrales des Sonates de Beethoven entre 1925 et 1965,
toutes trois réunies dans le coffret que propose DG, ainsi que plusieurs
versions des sonates beethovéniennes les plus populaires. En 1970, il sera l’un
des premiers pianistes à enregistrer l’intégrale des Sonates de Schubert, autre référence historique. Le coffret se
subdivise en trois parties, les concertos (Beethoven [3 intégrales, la première
sans le Deuxième réalisée en
1938-1943 réalisée sur pianos Bechstein, facteur auquel il sera lié en
exclusivité jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avant de passer chez
Steinway la marque Bechstein étant entachée par les relations étroites de la
famille du facteur avec Hitler], Mozart, Schumann, Brahms, Liszt), musique de
chambre de Beethoven (avec Wolfgang Schneiderhan, Yehudi Menuhin, Henryk
Szeryng, Pablo Casals, Pierre Fournier, Dietrich Fischer-Dieskau), et, surtout,
son legs majeur, le répertoire soliste (Bach, Haendel, Gluck, Mozart,
Beethoven, Schubert, Chopin, Schumann, Liszt, Brahms), ainsi que des pièces de
sa main pour orgue composées pour l’inauguration de la Cathédrale mémorielle d’Hiroshima
en 1954. Malgré ses quatre-vingt CDs, ce coffret n’est pas exhaustif, et le
livret qui l’accompagne est plutôt chiche en informations à l’exception des
dates et des conditions d’enregistrements, mais il n’en demeure pas moins un
élément capital que tout amateur de piano se doit de connaître, une référence
absolue qui doit figurer en bonne place dans la discothèque de « l’Honnête
Homme ». De quoi passer un joyeux Noël en dépit des circonstances…
Bruno Serrou
Coffret de 80CD « Wilhelm Kempff Edition » DG (Universal Classics)
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