Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Pretty Yende (Violetta Valeri). Photo : (c) Opéra national de Paris
Simon Stone présente une version Internet et réseaux sociaux convaincante de l’opéra le plus populaire de Giuseppe Verdi
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Photo : (c) Opéra national de Paris
Opéra parmi les plus joués dans
le monde, La Traviata de Verdi est présenté à l’Opéra de Paris dans sa quatrième
production en vingt-deux ans. Après Jonathan Miller en 1997, Christophe
Marthaler en 2007 (dont on retrouve ici la brouette au deuxième acte) et Benoît
Jacquot en 2014, l’urgence d’une nouvelle mouture n’était pas acquise.
Pourtant, ce qu’offre à voir Simon Stone s’avère plutôt probant.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Photo : (c) Opéra national de Paris
Situant l’action dans le monde
cybernétique des réseaux sociaux de l’ère du 2.0, Simon Stone, qui signe ici sa
première production à l’Opéra de Paris, frappe fort en plongeant sans artifice
Violetta Valeri au cœur du XXIe siècle dans le monde de la jetset et
de l’industrie du luxe, monnayant ses charmes sur Internet avant d’apprendre
par e-mail être victime d’un retour de son cancer. L’on voit sur un mur unique
placé au centre d’un plateau tournant fort bruyant au demeurant - il le sera plus
encore à la deuxième représentation lorsqu’au troisième acte le galet central
restera bloqué, empêchant les décors des trois dernières scènes d’apparaître -
des sms échangés entre Violetta et Alfredo, la générosité de la dévoyée
appréciée à l’aune des découverts abyssaux des relevés de comptes, les relances
bancaires, le harcèlement de la cancéreuse par une mutuelle sans scrupules.
Fêtes nocturnes, intimité champêtre, jeux de hasard s’enchâssent de façon
vertigineuse. Le tout donne au personnage central une humanité douloureuse qui
touche par son authenticité.
Même si l’on peut regretter l’excès d’effets dès l’ouverture, qui est perturbée par une envahissante série de photos retraçant le passé de l’héroïne tandis qu’elle agonise, ou les sms échangés entre la jeune femme et son amie Flora après sa rupture avec Alfredo, le foisonnement abusif des notifications 2.0. Seul être porteur d’humanité, Alfredo avec qui Violetta tentera de fuir dans un monde bucolique que le metteur en scène se plaît à persifler avec une Violetta chaussée de bottes en caoutchouc qui traie une vache et un Alfredo qui écrase le raisin pieds nus dans une cuve. C’est au nom d’un mariage princier de sa fille que le père Germont demande à Violetta de sacrifier son amour pour son fils, rupture que l’amant découvre sur Instagram, tandis que les jeux d’argent se font sur des tablettes informatiques, argent qui se matérialise néanmoins pour qu’Alfredo le jette à la figure de Violetta.
Rideau de La Traviata mis en scène au Palais Garnier par Simon Stone. Photo : (c) Bruno Serrou
Même si l’on peut regretter l’excès d’effets dès l’ouverture, qui est perturbée par une envahissante série de photos retraçant le passé de l’héroïne tandis qu’elle agonise, ou les sms échangés entre la jeune femme et son amie Flora après sa rupture avec Alfredo, le foisonnement abusif des notifications 2.0. Seul être porteur d’humanité, Alfredo avec qui Violetta tentera de fuir dans un monde bucolique que le metteur en scène se plaît à persifler avec une Violetta chaussée de bottes en caoutchouc qui traie une vache et un Alfredo qui écrase le raisin pieds nus dans une cuve. C’est au nom d’un mariage princier de sa fille que le père Germont demande à Violetta de sacrifier son amour pour son fils, rupture que l’amant découvre sur Instagram, tandis que les jeux d’argent se font sur des tablettes informatiques, argent qui se matérialise néanmoins pour qu’Alfredo le jette à la figure de Violetta.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Photo : (c) Opéra national de Paris
Le tout est animé par une direction
d’acteur au cordeau par Simon Stone au sein de laquelle la distribution se meut
avec un naturel incroyable. Pour sa prise de rôle, révélation de la soirée, Pretty
Yende campe une Violetta rayonnante de beauté, juvénile, spontanée, dotée d’une
voix pleine et mordante dont il émane la plus vive émotion. Le saisissement est
à son comble avec l’air Addio del passato,
adieu à l’amour et à la jeunesse. Benjamin Bernheim est un Alfredo incandescent,
la voix est étincelante, colorée, puissante. Face à ce couple magnifique, Ludovic
Tézier, noble, autoritaire, retrouve en Germont l’un de ses grands emplois.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Photo : (c) Opéra national de Paris
Dans la fosse, la direction de
braise de Michele Mariotti fait de l’Orchestre de l’Opéra de Paris un
personnage protéiforme, avec ses cordes fiévreuses, ses bois flamboyants, ses
cuivres crépusculaires qui éclairent le drame comme autant de mystères de
l’amour, lançant des flèches acérées de déchirements, d’élans inapaisés.
Bruno Serrou
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