Strasbourg (Bas-Rhin). Opéra national du Rhin. Samedi 19 octobre 2018
Claude Debussy (1864-1918), Pelléas et Mélisande. Anne-Catherine Gillet (Mélisande), Jacques Imbrailo (Pelléas). Photo : (c) Clara Beck / OnR
Dans le cadre du centenaire de la mort de Claude Debussy, disparu le 25
mars 1918 à l’âge de cinquante-cinq ans, l’Opéra du Rhin propose son Pelléas
et Mélisande dans une approche dramatique
des plus convaincantes
Claude Debussy (1864-1918), Pelléas et Mélisande. Anne-Catherine Gillet (Mélisande), Jean-François Lapointe (Golaud). Photo : (c) Clara Beck / OnR
Tandis que dans la fosse, à la
tête d’un Orchestre Philharmonique de Strasbourg aux basses grondantes et aux
sonorités luxuriantes dans lesquelles les musiciens paraissent se délecter, la
conception du chef corniste français Franck Ollu s’avère plus vériste que
symboliste, sur le plateau Barrie Kosky anime les personnages avec une
intensité théâtrale avivée par une direction d’acteur impérieuse, tandis que la
scénographie de Klaus Grünberg, dégagée de tout accessoire, tient de la
métaphore.
Claude Debussy (1864-1918), Pelléas et Mélisande. Anne-Catherine Gillet (Mélisande), Jacques Imbrailo (Pelléas). Photo : (c) Clara Beck / OnR
Cette coproduction de l’Opéra du
Rhin, de l’Opéra-Comique de Berlin, où elle a été créée, et du Théâtre
national de Mannheim, est passionnante, malgré ses évidentes contradictions.
Franck Ollu impulse une tension singulière tout en maintenant une liquidité
naturelle à la partition marine de Debussy, poussant les chanteurs à un
engagement constant et à donner à la déclamation caractéristique de Pelléas et Mélisande conjointement un
débit théâtral et un onirisme envoûtant dans les moments les plus tendres et
passionnés. De telle sorte que, si ce n’était l’entracte superflu mais obligé
pour d’autres raisons qu’artistiques, ce spectacle franco-germanique répond parfaitement
à la volonté de Debussy, qui déclarait : « J’ai voulu que l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût
continue, ininterrompue. La mélodie est anti-lyrique. Elle est impuissante à
traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n’ai jamais consenti à ce que ma
musique brusquât ou retardât, par suite d’exigences techniques, le mouvement
des sentiments et de passions de mes personnages. Elle s’efface dès qu’il
convient qu’elle leur laisse l’entière liberté de leurs gestes, de leurs cris,
de leur joie ou de leur douleur. »
Claude Debussy (1864-1918), Pelléas et Mélisande. Cajetan Dessloch (Yniold), Jean-François Lapointe (Golaud). Photo : (c) Clara Beck / OnR
Ainsi, les protagonistes se meuvent
sur un décor unique de granit sombre recouvert de poids blancs tournant sur
lui-même et sur quatre niveaux de profondeur dans lesquels ils s’expriment,
disparaissent pour réapparaitre du côté opposé, s’intègrent et se détachent
tour à tour. Aucun accessoire en dehors de ce système, dans lequel s’intègre un
banc et des lumières symbolisant une forêt, un lac, pas même de tour, de
grotte, de lit ou de fenêtre, ni même de longue chevelure. Tout est suggéré par
la musique, le chant, la direction d’acteur.
Claude Debussy (1864-1918), Pelléas et Mélisande. Vincent Le Texier (Arkel), Dionysos Idis (le Médecin), Marie-Ange Todorovitch (Geneviève), Anne-Catherine Gillet (Mélsande), Jean-François Lapointe (Golaud). Photo : (c) Clara Beck / OnR
La distribution est sans faille.
La Mélisande de la soprano belge Anne-Catherine Gillet est d’une féminité
évanescente, sa voix comme son corps est d’une souplesse féline, son timbre
lumineux et flexible sont d’un être énigmatique étonnant. A ses côtés, le
baryton sud-africain Jacques Imbrailo est un Pelléas incandescent et émouvant.
Habitué au rôle-titre, le baryton canadien Jean-François Lapointe endosse celui
de Golaud avec une force mâle, ivre de jalousie, ce qui le conduit à sombrer
dans les affres d’une autodestruction enflant avec une force saisissante,
tandis que son fils Yniold est supérieurement campé par un garçon du célèbre
Tölzer Knabenchor, Cajetan Dessloch, qui s’exprime en un français irréprochable.
La basse française Vincent Le Texier est un Arkel sonore, que le metteur en
scène rend excessivement entreprenant et violent envers sa petite-fille
Mélisande qu’il tente d’abuser sexuellement, tandis que Marie-Ange Todorovitch
est une touchante Geneviève.
Bruno Serrou
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