vendredi 27 juillet 2018

Tan Dun, Guo Wenjing, Xu Shuya, trois compositeurs chinois révélés en France par le Festival d’Automne à Paris en 1995


Chine, musicien de rue. Photo : DR

En 1995, le Festival d’Automne à Paris consacrait une partie de sa programmation musicale à la musique contemporaine chinoise. Avaient notamment été invité trois compositeurs trentenaires qui commençaient à être reconnus en Occident et ayant choisi d’y vivre tout en gardant leur nationalité. Depuis lors, chacun a évolué à sa façon, empruntant leur propre chemin. Violoncelliste de formation, Xu Shuya (né en 1961), est aujourd’hui professeur de composition et a fondé le Centre Informatique et Multimédia au Conservatoire de Musique de Chine à Pékin en 2002. Ses deux opéras, La neige en août sur un livret de Gao Xingijan en trois actes, a été créé avec succès à l’Opéra de Marseille en janvier 2005, le second, In Memory of Taiping Lake sur un livret en deux actes de Zeng Li, a été donné pour la première fois par le Festival International de Pékin en octobre de la même année. Influencé par Claude Debussy, Igor Stravinski, György Ligeti et Toru Takemitsu, mais aussi par les chants populaires de la province du Hunan, il a élaboré un langage fait de couleurs et de timbres, une musique associant culture chinoise et forme unie et calme. Guo Wenjing (né en 1956), contrairement à la majorité de ses confrères, n’a jamais quitté Pékin, à l’exception d’une courte période passée à New York. Pourtant, sa musique est jouée partout dans le monde. Quant à Tan Dun (né en 1957), il est peut-être le compositeur chinois le plus célèbre. Il a composé de nombreuses œuvres pour des « instruments organiques », comme des matériaux de construction, du papier, de l’eau, de la céramique et de la pierre. Tous ont abordé tous les genres, de la musique de chambre à l’opéra, en passant par la symphonie, le concerto et le cinéma.


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Xu Shuya (né en 1961). Photo : DR


Xu Shuya (né en 1961)

Bruno Serrou : Vous êtes né en 1961, ma Révolution culturelle a été engagée alors que vous aviez cinq ans par Mao Tsé Toung, qui est mort en 1976. Comment avez-vous découvert la musique occidentale ?
Xu Shuya : Je l’ai découverte avec les disques microsillons que mon père possédait. Ma mère est cantatrice, et mon père violoniste de musique occidentale, formé au Conservatoire de Shanghai, où il sera professeur de composition du début des années 1950 jusqu’à la Révolution culturelle. Il a travaillé dans des orchestres, où il a formé des musiciens. En 1966, envoyé à la campagne. Auparavant, il avait dirigé l’Opéra de Chang-Chun, ville du nord de la Chine où il donnait des œuvres chinoises et du répertoire occidental jusqu’en 1966. Tous chinois, les musiciens ayant un lien avec la musique occidentale ont été envoyés à la campagne.

B. S. : Comment est arrivée en Chine la musique occidentale ?
X. S. : Dans les années 1920, avec Xiao You-Mei et Zhao Yuan-Ren, qui ont fait leurs études à l’Université de Yale aux Etats-Unis, où ils ont suivi des cours d’art et de musique occidentaux, d’harmonie. De retour en Chine, ils ont essayé de donner les premiers cours, puis les années 1930-1940, il y eut un autre compositeur célèbre en Chine, Hsien Hsing-hai, élève de Paul Dukas au Conservatoire de Paris, auteur du Concerto du fleuve jaune aux relents sucrés à vocation populaire, Tan siao PIng, un élève de Paul Hindemith en Allemagne, Masi Chiong, qui, à son retour en Chine, a été bien accueilli par le pouvoir communiste et lui a confié le Conservatoire de Pékin pendant une dizaine d’années, il a écrit un peu dans le style de Debussy, mais il a fui en 1966 et s’est réfugié aux Etats-Unis, où il est mort. Mais ce sont des cas isolés, jusqu’en 1978. A la mort de Mao, en 1976, les universités rouvrant leurs portes, les compositeurs de ma génération sont entrés au conservatoire. Dans les années cinquante, ces conservatoires ont eu pour professeurs beaucoup de compositeurs russes, un compositeur russe Alexandre Tcherepnine a enseigné à Shanghai, première ville ouverte à l’Occident et à avoir un conservatoire en Chine – avant, la musique était traditionnelle et orale dispensée en cours privés. Dans les années 1960, les Russes sont partis, les relations sino-soviétiques s’étant aggravées, mais les conservatoires ont continué à s’inspirer de l’enseignement musical russe. En 1978, les Russes ni les socialiste sont exclus, et les compositeurs occidentaux arrivent d’Europe et des Etats-Unis. Musiciens, disques, livres entrent en Chine. Le premier professeur est venu d’Oxford en 1978, est venu d’Oxford, Alexandre Goehr.

B. S. : Quand vous avez dit à votre père « Je veux composer » ? Comment cela s’est-il passé ?
X. S. : A cette époque-là, mon père ne jouait plus de violon. Il n’a plus pu y toucher de 1969 à 1974, années qu’il a passées « à la campagne ». La musique a été totalement interdite, il était donc impossible d’en entendre, mais il a heureusement pu sauver quelques-uns de ses disques qui ont pu échapper aux flammes, et il les a discrètement emportés avec nous. Alors que j’étais à l’école primaire et que mes parents et mes deux frères travaillaient aux champs pour leur « rééducation », étant encore petit je restais seul l’après-midi, l’école étant le matin, je travaillais pour la maison - il n’y avait ni gaz ni électricité pour cuisiner -, j’allais à la collecte du bois. C’est ainsi que j’ai appris à aimer la nature, qui participe désormais à ma musique. Et je me souvenais vaguement de la musique que j’avais entendue petit chez mes parents jusqu’en 1966 par le biais de la radio, les disques. J’ai donc essayé de retrouver cela avec les disques. Le premier que je me suis procuré est le Concerto pour violon de Beethoven, puis l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski. J’avais neuf ou dix ans - il y avait de temps à autres de l’électricité. En 1974, Deng Xiaoping a libéralisé la politique chinoise pendant un an, avant de resserrer le régime. C’est à ce moment-là que nous sommes rentrés chez nous, à Shanghai. J’avais treize ans. Au programme de ce retour, il y avait chaque jour une rééducation de dix heures, sans qu’il soit possible de travailler jusqu’en 1989. J’ai commencé par étudier la mise en scène à travers les livres traduits en chinois. J’ai aussi travaillé à la maison la musique classique avec Jean-Sébastien Bach, la musique romantique avec Beethoven. J’ai choisi le violoncelle à l’école secondaire que je jouais dans la petite troupe musicale des chansons sur des poèmes de Mao, et à l’Opéra de Pékin pour les œuvres révolutionnaires, car il fallait des instruments occidentaux. Il y avait une place pour laquelle un ami de ma famille m’a recommandé, étant moi-même d’une famille de musiciens, alors que je n’avais pas encore reçu de formation. Ma mère a accepté parce qu’ainsi je pouvais rester à la maison pour l’aider dans la journée. Nous avons cherché un poste dans l’Opéra de ma ville, et comme mon père y avait travaillé, presque tout le monde le connaissait. Mes parents ont cherché un professeur, qui m’a donné des cours pendant quatre ans, tous les conservatoires étant encore fermés. Plus tard, alors que le pouvoir cherchait des arrangeurs pour les œuvres de compositeurs officiels, pour la plupart des amateurs qui écrivaient des ballets et des pièces pour l’Opéra de Pékin, je pratiquerai cet exercice parce qu’il fallait fournir des partitions écrites pour orchestre au minimum par deux ou par trois bois. 

B. S. : Est-ce ainsi que vous avez découvert la composition ?
X. S. : Oui, de cette façon. Etant d’une famille de musiciens, on m’a demandé d’arranger en trois jours une partition. C’est la première fois que je le faisais seul, sans professeur. Mon père ne m’aidait pas parce qu’il ne voulait pas que je fasse de la musique jusqu’à ce que j’entre au Conservatoire de Shanghai. En 1977, la révolution terminée, je poursuivais mes cours au lycée, et je suis entré à l’Université à Pékin, tout en continuant à jouer du violoncelle, à arranger les œuvres des autres. Le conservatoire a rouvert, j’ai très vite voulu y entrer, ma mère a suivi mon idée, et mon père n’y pensait pas un instant, mais ma mère l’a convaincu. C’est ainsi que j’ai choisi la composition.

B.S. : Pourquoi cette envie de composer ? Qu’est-ce que cela représentait pour vous ?
X. S. : Pendant les dernières années de la révolution, ma mère, soprano, a recommencé à chanter à l’Opéra les titres révolutionnaires. Mais elle a dû rompre avec le grand répertoire. L’automne est un sentiment que j’ai éprouvé quand j’étais seul, triste, mes parents étant aux champs, j’avais les clefs de la maison autour du cou. Dans le quartier où j’étais, à l’automne, pendant trois mois, de septembre à novembre, les champs restent vides, et pendant près de trente kilomètres, rien d’autre à l’horizon que des champs vides, un petit village au bout qui ne représente qu’un petit point, avec les champs sans fin. Je regardais le soleil couchant, violent. Et à l’automne, il y a du vent ! Tout cela a fertilisé mon imaginaire. Personne ne savait quel était l’avenir, mais nous ne pouvions l’imaginer que triste, solitaire, sans avenir : nous allons définitivement rester aux champs, sans jamais retourner en ville.


B. S. : En quoi consistait l’apprentissage de la composition ?
X. S. : Au début, j’ai suivi les cours d’écriture, de contrepoint, de fugue, d’orchestration, d’instrumentation. C’était comme en Europe, et nous avons commencé par le classicisme de Bach. L’un de mes professeurs avait été formé en Union Soviétique, il avait connu Dimitri Chostakovitch et d’autres musiciens qui étaient classés d’avant-garde, Claude Debussy, Maurice Ravel... Pas du tout Arnold Schönberg, même dans les années 1980-1982, car il était classé capitaliste, antirévolutionnaire - le directeur du Conservatoire de Shanghai a même écrit dans la presse que sa musique était sans mélodie, l’harmonie et l’orchestration étaient chaotiques, etc. Avant la révolution, on ne connaissait ni Stravinski ni Schönberg. Deux professeurs cependant, dans les années 1940, ont essayé d’écrire avec le système dodécaphonique, mais rien n’a été publié.

B. S. : Mais pour les Chinois, Beethoven ne devait pas être plus compréhensible que Schönberg, puisque la musique occidentale n’y a été découverte qu’à partir de 1920. Il n’y avait donc aucune tradition d’écoute en Chine. Du coup, les Chinois étaient susceptibles d’accepter toutes sortes de musiques nouvelles.
X. S. : Oui, mais la révolution a tout bloqué. Si nous jouions, même chez soi ou chez le professeur, des œuvres interdites, le voisin nous entendait et pouvait nous dénoncer.

B. S. : Et la musique chinoise, était-elle autorisée ?
X. S. : Cela dépend… Actuellement [NDR : 1995], il faut un titre très révolutionnaire. Soit on chante des poèmes de Mao écrits dans la forme ancienne, et il y aura plusieurs versions de chansons sur les mêmes textes. Mais le patrimoine a disparu. Pas les instruments, car ils étaient utilisés dans les œuvres révolutionnaires, qui mêlaient instruments traditionnels chinois aux instruments occidentaux. Les conservatoires n’ont plus d’archives, ni partitions, ni disques, qui ont été jeté au feu dans des autodafés. A partir de 1977 et de l’ouverture des conservatoires, tout a été commandé en Europe, de Bach à aujourd’hui.

B. S. : Qu’est-ce qui vous a décidé à vous rendre en France ? Qu’attendiez-vous de votre venue en Occident ?
X. S. : J’ai reçu une bourse du ministère français des Affaires étrangères. J’ai commencé à composer en Chine des œuvres dans des formes occidentales, notamment un Concerto pour violon en 1982. Un premier concours a été organisé après la révolution avec la Fondation Alexandre Tcherepnine, qui a organisé un concours en Chine, à New York et à Chicago. J’ai remporté le premier prix, et ma pièce a été jouée à New York. J’ai ainsi pu commencer des pièces de musique de chambre, plus particulièrement un Quatuor à cordes.

B. S. : Est-ce une musique que vous reconnaissez encore ?
X. S. : J’ai essayé dès cette époque de respecter ma culture chinoise dans mes compositions. Par exemple, dans le Quatuor à cordes, j’ai tenté de glisser une chanson populaire très particulière, avec des micro-intervalles, système qui était utilisé pour la première fois dans une pièce chinoise de tendance occidentale. Ce sont des chants de paysans, les sons montent imperceptiblement. Les jeunes compositeurs chinois font des choses très différentes de ce qui se faisait avant la révolution, y compris les compositeurs les plus âgés.

B. S. : Pourquoi la France, plutôt que les Etats-Unis ?
X. S. : L’un de mes professeurs, parallèlement à celui formé en Union Soviétique, avait été formé dans les années 1940 à l’Ecole normale de Musique et au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris comme auditeur, suivant les cours de Nadia Boulanger et d’Arthur Honegger. J’ai donc entendu parler d’eux au Conservatoire. Le système d’enseignement chinois de la musique est toujours avec une mélodie populaire chinoise, ou un peu de théâtre traditionnel,  avec une orchestration façon occidentale. Par exemple, le Concerto du fleuve jaune, est tout à fait romantique à la Liszt-Tchaïkovski-Rachmaninov. C’est complètement copié. Au début au conservatoire, je considérais que cette façon n’était pas la bonne voie. Le premier choc que j’ai reçu est survenu lorsque je me suis rendu en province et que j’ai interviewé des paysans, les ai invités à chanter et à jouer sur des feuilles de bois. J’ai été bouleversé. Les paysans chantent la même chose, les notes restent les identiques mais en même temps, comme j’ai été éduqué à la musique, cela sonne à mes oreilles comme des fausses notes. J’ai essayé dans mon premier Quatuor à cordes à utiliser ce système. Et aujourd’hui, c’est le micro-intervalle. J’ai essayé de noter cela sur mes partitions pour que ce soit compréhensible aux instrumentistes, mais ils m’ont demandé comment exécuter cela. Je réponds « Je ne sais pas ! Tu essayes un peu plus haut que si bémol » Il me dit « mais c’est si bécarre », je lui rétorque : « Non, pas tout à fait. » En fait, cela se fait naturellement en Chine, car c’est une tradition populaire paysanne. Dans les trois périodes poétiques traditionnelles de l’histoire de la Chine, la première est le poème normal, la deuxième est celle des poèmes rythmés, et l’on sait comment chaque phrase s’arrête, et combien de temps. Aujourd’hui [NDR : en 1995], j’écris une pièce sur un poème en rythmes, le Libai, qui est très différent, sortant complètement de la musique avec le théâtre traditionnel, et le troisième est le poème en vers chanté, qui se tourne davantage vers la musique. Puis j’ai fait la connaissance de la musique du XX° siècle, qui m’a plus ou moins rappelé ça. La récitation se fait sur une ligne de chant proche du sprechgesang. Ce n’est pas écrit mais l’on sait cela à travers les cours de littérature traditionnelle à l’école. C’est de la littérature ancienne. Le compositeur chinois fait la synthèse du tout pour écrire de la musique. Avant, on mélangeait, refaisait la mélodie qui provenait de la musique traditionnelle chinoise, empruntait, mélangeait, refaisait ou folklorisait ou instrumentalisait. Il y a aussi la poésie, les acteurs des théâtres de chaque province, qui fondent langues, accents, sons divers, mis en valeur de différentes façons.

B. S. : A Paris, avec qui avez-vous étudié ?
X. S. : Au CNSM, avec Alain Bancquart, Ivo Malec et Gérard Grisey, à l’ENM avec Michel Merlet. Il est plus difficile de venir en Europe qu’aux Etats-Unis, qui se sont très vite ouverts aux Chinois, et où les gens sont allés en groupe dans les universités. C’est pourquoi j’ai eu envie de venir en Europe. A Paris, j’ai découvert Olivier Messiaen et Maurice Ravel, qui sont les compositeurs les plus appréciés en Chine, parce que l’on pense que c’est une musique, une culture, un langage très proches de l’orient, de la musique instrumentale chinoise. Ceux qui ont choisi les Etats-Unis proviennent directement de John Cage, George Crumb, de la nouvelle esthétique contemporaine ayant un lien philosophique avec l’Orient. En Chine, à partir des années 1980, les premiers cours qui présentèrent systématiquement la musique du XX° siècle ont été dispensés à Pékin par un compositeur britannique ayant travaillé à Cambridge University, Alexander Goehr, qui a présenté les dernière pièces de Debussy jusqu’à nos jours, Stravinski, Bartók, qui a été très aimé par les Chinois, et les sériels, Messiaen, et un peu de Chostakovitch, Boulez. Ces cours ont été dispensés pendant trois mois, en 1980. C’était organisé par le ministère de la Culture au Conservatoire de Pékin, ainsi qu’à Shanghai, où quelques étudiants ont été envoyés. Mais j’étais encore trop jeune pour m’y rendre, et ceux qui y ont assisté nous ont ramené les cours, comme Ge Ganru, qui est allé de Shanghai. Le tout a été imprimé et envoyé ou commandé par chaque conservatoire. Deux volumes ont été diffusés, alors que seuls ceux qui étaient en fin d’études avaient pu y participer. C’est ainsi que l’on a commencé à découvrir la musique à partir de Schönberg. On n’avait jusque-là ni disques ni partitions. On ne savait pas ce qu’était la musique de Schönberg, ni celle de Stravinski, pas même Le Sacre du printemps. C’est à partir de ces premiers échanges avec l’Occident que l’on a commencé à parler de tout cela. Dans les livres, on a seulement pu voir des exemples ou des extraits de partitions. C’est au Conservatoire de Paris, j’ai pu enfin tout regarder - j’avais appris le français en Chine quelques mois, puis en France deux mois durant.

B. S. : Pensez-vous retourner un jour en Chine ?
X. S. : Je reste en France parce que chaque année, par des institutions, je reçois des commandes d’Etat, notamment de l’Ensemble Intercontemporain pour janvier 1996, une autre du Neue Ensemble d’Amsterdam, d’autres encore pour le Festival d’Automne à Paris, l’Ensemble Contrechamps de Genève. Je programme un voyage en Chine par an. Les conservatoires de Pékin et de Shanghai sont les plus importants. Ils m’ont demandé des conférences, des présentations de la musique occidentale, des cours pratiques aux jeunes. Pour ma composition, c’est en France que j’ai tout changé, que j’ai connu mes premiers succès. En Chine, il reste des problèmes, l’éducation, l’affaire de la place Tien an Men, ils évitent de parler politique, et tout le monde pense économie, commerce. Même au conservatoire, les professeurs de composition, d’écriture, ne font pas exception. La musique pop, le rock, et la musique de film sont à la mode, et cela rapporte beaucoup d’argent. Donc, c’est devenu quelque chose de noble, d’intéressant. On est joué gratuitement, il n’y a pas de droits d’auteur, pas de régime de commandes en Chine. Les orchestres paient un peu pour les créations, pour faire le matériel, et après les œuvres sont libres de droits. Le compositeur ne peut donc pas vivre de sa création. Il n’y a pas de concerts de musique contemporaine, alors qu’il y a beaucoup de concerts de musique classique. Les orchestres de jeunes ont envie de jouer les jeunes compositeurs, les orchestres de radio aussi, notamment celui de Shanghai, ainsi que l’Orchestre Central de Chine à Pékin, qui sont demandeurs, mais aucun participe au financement des œuvres nouvelles.

B. S. : La Chine se démocratiserait-elle ?
X. S. : Elle crée son propre modèle : un modèle chinois de capitalisme, car différent du capitalisme occidental. Je ne suis pas interdit, je ne suis pas un exilé, je suis venu en France six mois après les événements de Tien an men.

B .S. Où en êtes-vous dans votre création ?
X. S. : Mon catalogue compte une vingtaine d’œuvres [NDR : en 1995]. Elles sont éditées chez Gérard Billaudot. J’ai gagné le Concours de composition de Besançon en 1992, ce qui m’a ouvert les portes de Billaudot. Si je m’installais en Chine, je serais obligé de faire du rock pour vivre et de la musique de film. Je n’ai pas envie de faire ça. Les professeurs de musique aussi en font, et donnent des cours de rock. Quant à moi, j’ai envie d’écrire comme je le fais en France.

Recueilli par Bruno Serrou, Paris  septembre 1995

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Guo Wenjing (né en 1956). Photo : DR


Guo Wenjing (né en 1956)

Bruno Serrou : Pourquoi vivez-vous toujours en Chine, alors que la majorité de vos compatriotes compositeurs en sont partis ?
Guo Wenjing : Plusieurs raisons à cela : je n’arrive pas à ingéré la cuisine occidentale. Je considère qu’il y a deux sortes de gens qui souhaitent vivre en occident : ceux qui cherchent à développer une carrière de musicien, et ceux qui cherchent uniquement le confort matériel. Les premiers ont fait un gros effort pour quitter la Chine pour l’Occident, alors qu’ils ne s’approchent de leur but que par illusion. En réalité non. A mon avis, si ces compositeurs cherchent à avoir plus de chance de voir leurs œuvres jouées, finalement ils sont loin de la réussite, plus encore que s’ils étaient en Chine. Ce n’est pas parce que l’on est à Paris que les gens ont plus de considération pour vous. Mes camarades installés en Europe ou aux Etats-Unis ont beaucoup de difficultés. Pour les résoudre, ils perdent beaucoup de temps et d’énergie et il vaut mieux les utiliser à la composition. A l’université, j’avais un professeur d’harmonie qui avait fait ses études en Allemagne. Il a dit, ce avec quoi je suis tout à fait d’accord, « pour apprendre à composer, ce n’est pas la peine de sortir de Chine », et plus le temps passe, plus je trouve cette phrase d’une parfaite actualité. Tous ces gens qui vivent en occident cherchent à retourner en Chine pour se ressourcer. La culture occidentale n’appartient pas aux Chinois. Un Chinois reste un Chinois.

B. S. : Et la liberté de se mouvoir, de penser ?...
G. W. : Dans les grandes villes, il est possible de trouver une variété digne de l’Occident, des ressources occidentales. Depuis Tan Ciao Ping, la Chine est beaucoup plus ouverte qu’auparavant. Pour ce qui concerne l’art et la culture, le gouvernement ne contrôle pas autant que le cinéma ou la littérature. En musique, on a une petite liberté. Personne ne m’a contrôlé jusqu’à maintenant. La vraie question n’est pas au gouvernement mais à la société musicale. Le problème est qu’il n’existe pas de bons ensembles ou de bons orchestres pour jouer la musique contemporaine. Beaucoup de gens essayent de promouvoir cette musique, de monter un orchestre, mais c’est très difficile.

B. S. : Comment vous-même avez découvert la musique ?
G. W. : Je l’ai découverte très tard. A treize ans, par hasard. Pendant la Révolution culturelle, j’habitais ma province, et il y avait des conflits et débats violents de critiques. Ainsi je n’avais pas besoin d’aller à l’école, et je regardais les batailles dans la rue, mais c’était très dangereux. A ce moment-là mon père m’a acheté un violon - le style artistique de la Chine populaire devait, selon la volonté de Madame Mao, être accompagné par les instruments occidentaux au nom de la modernisation du pays.

B. S. : Où situez-vous votre musique ?
G. W. : Je considère que ma musique est plus chinoise qu’occidentale. Toute ma vie est en Chine. Jusqu’à vingt-deux ans, j’ai vécu dans les montagnes de la Chine centrale. Les Chinois utilisent les instruments occidentaux (piano, etc.) et, en plus, la musique chinoise traditionnelle n’est pas polyphonique, ce qui rend le côté mélodique assez occidental. Sur ce point, ma musique a un peu l’aspect occidental, parce que les instruments le sont. Les instruments chinois traditionnels sont restés figés, sans évolution. Je suis content maintenant que ces derniers n’aient pas changé pour pouvoir les utiliser dans ma propre musique.

B. S. : En Chine, le compositeur peut-il vivre de sa musique ?
G. W. : Il peut en vivre, et plutôt bien. Bien sûr, ce n’est pas en écrivant une musique d’avant-garde. En Chine, dans le conservatoire où j’enseigne, les jeunes compositeurs écrivent toutes sortes de musiques, du rock à l’avant-garde - je n’en fais pas, mais j’écris pour le cinéma, ce qui me suffit à peine pour acheter des cigarettes américaines. Les professeurs ont leur maison gratuitement mise à disposition par le conservatoire, en plus du salaire de 500,00FF [NDR : environ 500€ d’aujourd’hui], ce qui suffit à se nourrir. Cela semble très peu, mais en fait c’est pas mal, car on n’a pas de loyer, pas de frais médicaux, la nourriture est très bon marché. Bien sûr, je ne peux pas acheter de disques, mais il y a des bibliothèques. Il n’y a pas de droits d’auteurs. C’est ce qui est le plus scandaleux. S’il y en avait, ma vie serait encore plus confortable. Mais cela viendra. Je ne sais comment nous parviendrons à obtenir des droits d’auteur, et cette idée est très occidentale. Il vient de se créer une association pour les droits d’auteur voilà un ou deux ans [NDR : en 1995], je leur ai dit que l’une de mes œuvres allait être jouée en France, je leur ai demandé si je pourrais avoir quelque chose, la commission m’a répondu par la négative, parce que nous n’avons pas encore de liens avec la France. J’ai demandé s’ils en avaient avec d’autres pays. Non ! Il y a très peu de gens qui écoutent ce genre de musique. Le problème est que l’État n’aide en rien, et les compositeurs sont un peu isolés. Nous écrivons pour nous ! A l’heure qu’il est, je ne peux pas vivre de ma création, seulement de ce que je fais à côté. Je vis de la musique quand même. Mais en France, c’est la même chose pour les compositeurs : films, professeur de composition au Conservatoire de Pékin. Ma profession est celle d’enseignant, la composition c’est pour le plaisir.

B. S. : Avez-vous des contacts avec les compositeurs occidentaux ?
G. W. : Je ne connais personne. J’écoute leur musique mais ne les connais pas. A l’occasion, si je les rencontre c’est très bien, mais je ne cherche pas le contact, ce n’est pas nécessaire pour moi. A Pékin, je reste chez moi. Je suis un solitaire, je sors uniquement dans mon jardin ou dans les parcs de la ville où je me promène, et un peu avec ma fille. Je crains la vie en société. La composition est un métier de reclus. La nature compte énormément pour moi. Je vis à Pékin où il est difficile de s’en approcher. Il faut trois heures d’avion, quatre heures de voiture pour s’en approcher. Il y a trop de monde en Chine. La nature est dans ma tête et dans mon cœur. La plupart de mes œuvres sont inspirées de la nature, mais perçue de l’intérieur, elle n’existe que dans ma tête, précisément celle de ma communauté, la Chine centrale, où il y a les pandas.

B. S. : L’opéra vous intéresse-t-il ?
G. W. : J’ai pour le moment composé un seul opéra, Wolf Club Village, qui est présenté ce soir au Festival d’Automne. Après ces cinquante minutes, j’ai été complètement sous le charme de l’écriture de ce genre de pièces. J’ai déjà trouvé beaucoup de romans modernes chinois qui m’intéresseraient pour une mise en opéra. Dommage que je n’ai pas encore de commande d’opéra.

Recueilli par B. S., Paris septembre 1995

Après ce premier essai, Guo Wenjing a écrit six autres opéras, le dernier en date, Rickshaw Boy, ayant été créé en juin 2014


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Tan Dun (né en 1957) dirige l'Orchestre National de Lyon en 2015. Photo : ONL

Tan Dun (né en 1957)

Bruno Serrou : Comment définissez-vous votre musique ?
Tan Dun : Elle mélange les musiques occidentales et chinoises. Pour moi, Orient et Occident ne sont pas si différents que cela, car elles contiennent la même humanité. C’est comme des gens qui parlent des langues différentes, français, anglais, allemand, chinois : ce sont tous des êtres humains. Pour moi, ce qui est le plus important est le son, la nature, le genre humain. Comme compositeur, ce n’est pas le fait d’être de l’Est, de l’Ouest, du Nord ou du Sud qui importe, mais de porter une âme, un cœur, d’exprimer, d’écrire de la musique. Pour moi, bien sûr, mêler tout est naturel, pour exprimer ma propre voie, cela m’est plus familier. Parce que je ne veux pas suivre une tradition, mais je ne veux pas non plus créer de nouvelles choses qui ne seraient pas fondées sur la tradition. Donc, je n’aime pas la tradition, mais j’aime la tradition. Je l’aime d’un point de vue historique, je ne l’aime pas d’un point de vue créatif. Je pense que ma musique est le son d’aujourd’hui que j’utilise pour m’exprimer moi-même à propos de la société internationale. Ma musique n’est pas seulement fondée sur la tradition chinoise, mais aussi sur la tradition occidentale, et plein d’autres choses. Différentes de mes propres visées, de mon propre point de vue, de ma propre expérience personnelle, spirituelle et technique, pour découvrir de nouveaux langages. L’élément primordial pour écrire de la musique, est la joie, l’âme, la souffrance de l’âme, le partage de tout cela. La musique est le meilleur média pour exprimer le tout.

B. S. : Pensez-vous que vous pourriez composer en Chine ce que vous composez à New York ?
T. D. : Vous pouvez composer ce que vous voulez n’importe où. Mais vous ne pouvez pas le faire jouer partout. A New York, oui. Mais New York n’est pas l’Amérique. C’est une ville internationale, très ouverte et très libre. Vous pouvez écrire ce que vous voulez où vous le pouvez. Pas à Pékin, qui est une ville très surveillée et où vous n’êtes pas vraiment libre. La ville est très limitée pour un artiste, mais vous pouvez vous exprimer au plus profond de votre âme, ce qui fait les plus grands artistes. Quel que soit l’environnement politique, l’artiste restera un artiste, car l’art est une attitude spirituelle. Ma musique est créée pour l’âme, la culture, l’esprit, la nature, le genre humain, non pour des échanges culturels, pour la politique, pour le nationalisme, l’internationalisme ou quoi que ce soit d’autre.

B. S. : Votre style est caractérisé à partir de quels modèles ?
T. D. : J’ai mon propre langage, qui est aussi influencé par l’avant-garde occidentale, par exemple John Cage, le plus prégnant, ou Edgar Varèse, Stravinski, Bartók, Philip Glass, Meredith Monk, Steve Reich. Je pense que j’ai eu d’excellents rapports avec la musique de Cage, qui a eu beaucoup de signification pour moi. Mais ma musique est tout-à-fait différente de celle de Cage, parce qu’il s’est beaucoup intéressé à la nature, comme moi, mais je le suis aussi par le genre humain, tandis que Cage s’attachait davantage à la nature qu’au genre humain.

B. S. : L’expérience que vous avez vécue durant la Révolution culturelle n’a pas changé votre perception du genre humain ?
T. D. : Profondément, parce que j’ai fait de terribles expériences à cette époque-là. J’aime encore plus l’humanité depuis lors.

B. S. : Et la Chine d’aujourd’hui ?
T. D. : Je pense que c’est un pays étrange. Economiquement, il est ouvert. Mais politiquement, non. Intellectuellement pas davantage. Parce que ce n’est pas encore un pays démocratique. C’est un nationalisme très pragmatique. Ils ne pensent pas appartenir à la société internationale.

B. S. : Pourquoi avez-vous choisi de vous installer à New York ?
T. D. : Pour des raisons scolaires. J’ai obtenu une bourse pour Columbia University.

B. S. : Aviez-vous rencontré des musiciens occidentaux en Chine ?
T. D. : Beaucoup de monde. Par exemple Alexandre Goehr, Toru Takemitsu, George Crumb, Hans Werner Henze. J’ai découvert Olivier Messiaen, Claude Debussy, Pierre Boulez n’étaient pas introduits avant les années 1980, car l’avant-garde était taxée de capitalisme. Nous avons plus appris sur eux hors de Chine. Mais maintenant, nous avons plus de chance d’apprendre sur eux parce que nous pouvons entrer davantage de musique en Chine, échanger des idées.

B. S. : L’exemple de Takemitsu utilisant la musique traditionnelle japonaise avec la musique occidentale la plus moderne vous a-t-il servi d’exemple en Chine ?
T. D. : Je pense que c’est un peu différent. Le résultat est probablement le même, mais je pense que Takemitsu est plus fondé sur la culture occidentale. Mais sa musique est pleine à la fois de musique française et d’influences japonaises. Mais ma musique est plus fondée sur la culture chinoise que sur l’occidentale. Il y a aussi l’Est et l’Ouest, mais l’Est plus que l’Ouest, contrairement à moi qui suis plus à l’Ouest. Mais musique est mienne, ni Est ni Ouest, c’est mon propre langage, même si j’ai été quand même influencé par Takemitsu par les ponts qu’il fait en utilisant les instruments japonais et les instruments occidentaux pour créer des couleurs combinées. D’un point de vue sonore, c’est très intéressant. J’utilise tout, même l’électronique et l’informatique. J’aimerais travailler à l’IRCAM, j’ai bon espoir. C’est la première expérience musicale que j’ai en France cet automne. Je n’étais venu en France qu’en vacances jusqu’à présent.

B. S. : Votre musique est âpre, explosive…
T. D. : Ce n’est pas de la musique populaire, folklorique. Par exemple, vous pouvez écrire pour des instruments occidentaux, et vous pouvez aussi y combiner votre propre expérience, mais votre expérience peut être de l’Est et de l’Ouest, mais ce n’est pas plus une musique occidentale qu’orientale. C’est votre propre musique, votre propre interprétation. J’écris en ce moment un opéra en trois langues (italien, anglais, chinois) parce qu’il s’agit d’un ouvrage sur Marco Polo. Je viens de l’achever, et il sera créé en mai 1996 sous ma direction à Munich, puis à Amsterdam, à Oslo, à New York, à Hong-Kong, à Prague… Le livret est de Paul Griffith, mais le concept est de moi. Il s’agit d’un opéra de deux heures pour quatorze chanteurs, et quarante musiciens. J’écris actuellement un autre opéra que m’a commandé un théâtre de Londres sur le Dalai Lama.

B. S. : Pensez-vous qu’il soit important pour un compositeur de diriger ?
T. D. : Pour un compositeur je ne le pense pas. Pour moi oui, du moins pour ma propre musique. Je dirige Boulez, Varèse, Bartók, la nouvelle musique chinoise, Takemitsu, etc. Je ne connais pas Boulez encore. Mais il a beaucoup influencé ma façon de diriger est très influencée.

B. S. : Quand la démocratie sera revenue en Chine, y retournerez-vous ?
T. D. : Je pense que, maintenant, je travaille trop dans la société internationale. Parce que tous mes contrats, mes compositions et mon métier de chef inclus, sont remplis pour les quatre années à venir. Je ne pense pas qu’être installé à Pékin, à Paris ou à New York ou où que ce soit dans le monde soit important parce que je voyage partout. Mais vivre à Pékin est trop limité. S’il y avait la démocratie, si Pékin était comme Tokyo, alors je choisirai de vivre à Pékin. Russes, Hongrois, Grecs ont choisi de vivre eux aussi loin de chez eux, ce qui ne crée aucun problème. Le passeport chinois est très stupide, parce qu’il est difficile de voyager avec, car il faut toujours des visas, et pour l’obtenir on doit se rendre dans une ambassade chinoise, où que l’on se trouve. J’ai ma Green Card, et je ne sais pas encore si je demanderai un jour la nationalité américaine.

B. S. : Voyez-vous régulièrement vos compatriotes musiciens ?
T. D. : Oui, parce que je dirige leurs œuvres. Je suis chef invité à la BBC Ecossaise, Principal Composer, et je dirige à ce titre la musique du XX° siècle [NDR : et du XXIe siècle]. Je suis le premier compositeur oriental à avoir de hautes responsabilités dans un orchestre européen comme Compositeur résident.

B. S. : Est-ce pour vous important d’être Chinois ou non ?`
T. D. : Je pense qu’il n’y a aucune importance à choisir sa citoyenneté, comme artiste. Parce que je ne suis pas un musicien qui travaille pour la Chine, ou pour les Etats-Unis, mais pour le monde.

B. S. : Si un jour un conservatoire chinois vous demande de travailler pour lui, accepteriez-vous sa proposition ?
T. D. : Cela a déjà été fait. J’y retourne parfois pour y enseigner. Mais je n’ai pas le temps. Le plus important pour moi est la liberté, et si la liberté est acquise, j’irai. C’est ma première condition. Parce que sans liberté vous ne pouvez pas enseigner grand-chose, si vous voulez enseigner Messiaen, Boulez, ce n’est pas bon. Ni ma propre musique. C’est un problème.

B. S. : Votre musique est-elle jouée, en Chine ?
T. D. : Peut-être, mais il y a de grandes controverses. Il y a beaucoup d’orchestres en Chine. Rien qu’à Pékin, il y en a dix.

Recueilli par B. S., Paris septembre 1995

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