Marseille
(Bouches-du-Rhône). Opéra Municipal. Mardi 14 février 2017
Modest Moussorgski (1839-1881), Boris Godounov. Alexey Tikhomirov (Boris Godoiunov), Caroline Meng (Fiodor). Photo : (c) Christian Dresse / Opéra de Marseille
L’Opéra de Marseille présente le chef-d’œuvre de Modest Moussorgski
Boris Godounov dans sa version
initiale, avec un tsar impressionnant, la basse russe Alexey
Tikhomirov.
Modest Moussorgski (1839-1881), Boris Godounov. Photo : (c) Christian Dresse / Opéra de Marseille
Malgré sa longue genèse, Boris Godounov de Moussorgski est l’un
des plus hauts chefs-d’œuvre de l’histoire du théâtre lyrique. Il est
aussi l’un des plus noirs. Puisant dans l’histoire de la Russie, le compositeur
a fait du peuple le héros de son opéra, dans la ligne de son aîné Glinka. Comme
lui, il puise dans le folklore russe et les chants orthodoxes. Sa conception de
la musique, traduire la vérité dans une expression directe, allait inspirer des
compositeurs comme Janáček et Berg. C’est non pas la version en un prologue et quatre
actes de 1872 de Boris Godounov ni l’une des deux révisions de Rimski-Korsakov
ni-même celle de Chostakovitch que présente l’Opéra de Marseille, mais l’original
en sept scènes de 1869, récit sombre et serré de la grandeur et de la décadence
du tsar, sans digressions, et plaidant non pas sa culpabilité mais lui accordant
le bénéfice du doute. Tandis que la version de 1872 se conclut sur la plainte
de l’innocent, celle de 1869 se termine sur la mort de Boris.
Modest Moussorgski (1839-1881), Boris Godounov. Jean-Pierre Furlan (le faux Dimitri), Nicolas Courjal (Pimène). Photo : (c) Christian Dresse / Opéra de Marseille
Malgré
une distribution équilibrée, la nouvelle production de l’Opéra de Marseille
repose entièrement sur les épaules d’Alexey Tikhomirov. Entendu dans le Coq d’or à La Monnaie de Bruxelles en décembre dernier, la basse
russe campe à Marseille un Boris Godounov magistral. Sa silhouette impressionnante,
sa noble stature, son timbre aux harmoniques riches et amples, la puissance et
la malléabilité de sa voix permettent à la basse russe d’être pleinement le
personnage majestueux mais torturé, empli de doutes, de force contenue, de
désespoir. Il est le plus crédible sur le plan scénique, littéralement habité
par le personnage. Il lui suffit d’être présent, et tout le spectacle repose sur
l’intensité de son regard, les couleurs crépusculaires de sa voix, sa gestique
naturelle.
Modest Moussorgski (1839-1881), Boris Godounov. Christophe Berry (l'Innocent). Photo : (c) Christian Dresse / Opéra de Marseille
La direction d’acteur de Petrika
Ionesco, qui avait déjà signé un Boris
Godounov à Genève repris à l’Opéra de Paris, n’est efficiente qu’avec la
basse russe, tandis que les autres rôles sont trop figés ou excessifs dans leur
jeu, à l’exception du Varlaam ivre-mort de Wenwei Zhang, de l’aubergiste
Marie-Ange Tororovitch et de l’excellent Pimène de Nicolas Courjal. Dans la
fosse, Paolo Arrivabeni tire le meilleur de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra
de Marseille dont la rusticité sert les
singularités harmoniques et la verdeur cuivrée qui donnent à l’ouvrage sa
parure à la fois sauvage et flamboyante.
Bruno Serrou
D’après l’article paru dans le quotidien
La Croix daté vendredi 17 février
2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire