Paris. Opéra de Paris Bastille. Mardi 4 octobre 2016.
Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila. Aleksandrs Antonenko (Samson), Anita Rachvelishvili (Dalila). Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris
Après le Palais Garnier voilà
deux semaines avec la création française d’un ouvrage remontant à plus de trois
siècles, Eliogabalo de Francesco Cavalli,
l’Opéra de Paris a ouvert mardi la saison de Bastille avec une œuvre fort courue
mais négligée depuis un quart de siècle, Samson
et Dalila de Camille Saint-Saëns.
Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris
C’est en effet en 1991 que Samson et Dalila, créé à Weimar en 1877,
l’incontestable chef-d’œuvre lyrique de Camille Saint-Saëns (1835-1921), investissait
Bastille pour la première et dernière fois dans une mise en scène tendance
péplum de l’Italien Pier Luigi Pizzi. Pour le grand retour de cet ouvrage qui
compte parmi les plus donnés à l’Opéra de Paris avec près d’un millier de
représentations depuis sa première à Garnier 1892, c’est dans une toute autre
tradition que se place un autre italien, le metteur en scène vénitien Damiano
Michieletto, celle de l’actualisation systématique. Ce qui lui avait réussi
dans un pétillant Barbier de Séville
vu à Bastille voilà deux ans. Mais cette conception est beaucoup moins évidente
avec cet opéra biblique…
Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila. Aleksandrs Antonenko (Samson). Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris
La scénographie de béton de Paolo Fantin aux mobilier style
Ikea, avec kalachnikovs de rigueur, bacchanale night-club, costumes-cravates,
chemises de nuit et petites culottes dessinés par Carla Teti, le tout est amorti
depuis belle lurette dans tous les théâtres lyriques d’Europe, y compris à l’Opéra
de Paris dont les neuf-dixième des productions qui y sont présentées puisent
dans la même actualité. En outre, le ressort de l’action n’est plus partagé
entre les deux rôles titres, mais est presque exclusivement guidé par Dalila,
Samson paraissant résolu à son propre destin, et tandis que Saint-Saëns évoque clairement
à l’orchestre au début du troisième acte la roue de la meule à laquelle est
censé être attaché Samson, celui-ci reste assis appuyé contre un grillage pleurant
sur son sort et celui du peuple d’Israël.
Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila. Anita Rachvelishvili (Dalila, en haut au centre). Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris
La distribution est en revanche
irréprochable. A commencer par le chœur de l’Opéra de Paris, protagoniste principal
de Samson et Dalila. Après un premier
acte sans consistance réelle, le ténor letton Aleksandrs Antonenko se libère
dans les deux derniers actes, campant un Samson de tragédie, puissant mais
vaincu tel un colosse aux pieds d’argile. Une fois délivrée, la voix se fait
ample, d’un métal pur, avec des éclats et une expression qui ne sont pas sans
évoquer ceux d’un Jon Vickers, sans pour autant l’égaler dans le nuancier et
dans les intonations. La soprano géorgienne Anita Rachvelishvili incarne une saisissante
Dalila. Son mezzo luxuriant, sa diction impeccable lui autorisent des inflexions
particulièrement raffinées et colorées, des modulations tour à tour délicates
et puissantes, une souplesse infinie magnifiée par un souffle d’une ampleur
stupéfiante. Face à eux, Egils Silins est un Grand Prêtre de Dagon sombre et
venimeux, Nicolas Testé (Abimélech) et Nicolas Cavallier (un Vieillard hébreux)
sont irréprochables. Dans la fosse, Philippe Jordan déploie des modulations et
une expressivité rares, servant cette partition avec un tact et une conviction
qu’il communique à un orchestre aux sonorités déliées et onctueuses.
Bruno Serrou
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