Festival Berlioz, Corps (Maison Napoléon), Laffrey (Prairie de la
Rencontre), Grenoble (Terrasse du Musée Dauphinois), La Côte-Saint-André (Place
Hector Berlioz et Halle), jeudi 20 août 2015
Statue équestre de Napoléon Ier sur la Prairie de la Rencontre à Laffrey. Photo : (c) Bruno Serrou
Pour sa 22e édition
depuis son retour à La Côte-Saint-André après plusieurs années à Lyon, et pour
la septième depuis l’arrivée de Bruno Messina à sa direction, le Festival
Berlioz, qui se déroule jusqu’au 30 août, a commencé jeudi 20 août de façon particulièrement
festive et heureuse, irriguant plusieurs sites du département de l’Isère,
depuis les confins du département à la lisière des Hautes-Alpes jusqu’à la cité
natale d’Hector Berlioz. Une véritable « épopée » d’une centaine de
kilomètres sur la Route Napoléon…
Fifres et tambourg de l'armée de Napoléon Ier sur la Prairie de la Rencontre. Photo : (c) Bruno Serrou
Lorsque Napoléon s’échappait de l’Île
d’Elbe le 26 février 2015 où la coalition anglo-prusso-austro-russe l’avait
condamné à l’exil après qu’il eut abdiqué le 6 avril 1814, pour reconquérir le
pouvoir à marche forcée depuis Golfe-Juan où il débarque le 1er mars
2015, Hector Berlioz avait douze ans. Son père, grand admirateur de l’Empereur,
était allé au-devant de Napoléon, qui, dans sa remontée vers Paris, passa à
quelques encablures de La Côte-Saint-André entre Grenoble et Lyon, et il n’y a
guère à parier qu’il s’en fit l’écho auprès de son fils. « Berlioz et
Napoléon ont beaucoup en commun », constate Bruno Messina, qui a choisi de
célébrer cette année le bicentenaire des cent jours de Napoléon qui
débouchèrent sur la défaite de Waterloo et l’exil définitif sur l’Île de Sainte-Hélène,
où il mourra le 5 mai 1821. Il est certain également que Berlioz fut témoin, de
près ou de loin, du retour des cendres de Napoléon et de leur inhumation le 15
décembre 1840 aux Invalides. Quelques mois plus tôt, le jour anniversaire de la
mort de l’Empereur, Berlioz écrivait à Victor Hugo de retour de l’inauguration
de la colonne de la place Vendôme : « […] J’ai suivi le peuple au
pied de la colonne, ce poème immortel de l’autre empereur… J’ai marché
longtemps, comme Ruy Blas, dans mon rêve étoilé, puis j’ai revu le bronze et j’ai
relu vos vers… Maintenant, je m’incline en pleurant et j’adore… » Son
admiration pour le grand homme est avérée dans un certain nombre de ses écrits.
« Il était tentant de rapprocher ces deux gloires françaises grandes
figures du romantisme, chacun dans leur domaine, convient Bruno Messina. Comme
l’écrivait Jacques Lacan sur l’acte manqué, ’’l’acte ne réussit jamais si bien
qu’à rater’’. Or, Berlioz comme Napoléon, ont réalisé de grandes choses qui
allaient marquer l’Humanité bien que leur vie s’acheva sur un échec. »
Corps, Vue de la Terrasse de la Gendarmerie. Photo : (c) Bruno Serrou
Bicentenaire des Cent Jours et de
la défaite de Waterloo oblige, le Festival Berlioz, qui se déroule à quelques
encablures de la « route Napoléon » sous la direction d’un homme
épris d’Histoire, ne pouvait que faire le lien entre l’Empereur et le
compositeur. C’est à Corps, petite commune du sud des Alpes dans l’Isère, où
Napoléon passa la nuit du 6 au 7 mars 1815 dans la gendarmerie et qui continue
à commémorer cet événement chaque année à la Pentecôte sous l’intitulé « Aventurier
à Corps, Prince à Grenoble », que s’est ouverte l’édition 2015 du Festival
Berlioz.
Corps, la gendarmerie où Napoléon Ier bivouaqua dans la nuit du 6 au 7 mars 2015
A Corps, au son du cor, mais sans cri
C’est sur la terrasse de l’ex-gendarmerie
devenue « Maison de retraite Albert Marthe Hostachy » à l’aplomb du
lac du Sautet et du mont Obiou où était organisé un buffet qu’a été donnée la
première aubade de la journée, le clap de début étant donné par Napoléon Ier
en personne, brillamment campé par le comédien Christian Abart qui animera chaque
étape de la marche forcée dix heures de rang, tandis qu’un ensemble de neuf cors
des alpes de l’ensemble Les Briançonneurs répondaient à son appel. Présenté par
le soliste chef d’orchestre Olivier Brisville, le programme et l’instrument ont
fait sensation sur les « pèlerins » du jour, qui le découvraient. Le
répertoire est des plus limités, l’instrument n’ayant inspiré qu’un tout petit
nombre de compositeurs, tels Léopold Mozart (une Sinfonia pastorale), Johannes Brahms (la mélodie du cor du finale
de la Première Symphonie), Richard Strauss (prélude de Daphné), Ferenc Farkas (Concertino rustico) ou Vinko Globokar (Cri des Alpes).
Corps, l'ensemble de cors des Alpes, Les Briançonneurs. Photo : (c) Bruno Serrou
Instrument national
suisse connu depuis le XIVe siècle, il servait aux bergers à
communiquer entre eux et avec les villages environnant leurs pâturages. Fait en
épicéa, le même bois que les instruments à cordes, ces instruments pèsent 3,5
kg et mesurent 3,6 mètres de long et sont dans la tonalité de fa dièse/sol
bémol. Pour obtenir la tonalité de fa, il convient de l’allonger de vingt
centimètres à l’aide d’une rallonge qui s’incruste dans le tube qui précède l’embouchure
- pour un accord en ut, il faudrait rajouter neuf mètres de plus. La portée de
l’instrument avec l’appui de l’écho peut atteindre 17 kilomètres. Ce qui
explique la lenteur des tempi utilisés par le corniste, et l’on a pu mesurer
combien il est difficile de varier le répertoire, car même le rythme de ländler
est à peine discernable.
Laffrey, Prairie de la Rancontre. Napoléon et Bruno Messina conversant avec un canonnier et une cantinière. Photo : (c) Bruno Serrou
Canonnade et agapes sur la Prairie de la Rencontre
La deuxième étape a conduit
Napoléon, sa petite troupe, ses cantinières et ses suiveurs jusqu’au bivouac de
la Prairie de la Rencontre sur les bords du Lac de Laffrey, face à la résidence
d’Olivier Messiaen. C’est à cet endroit que Napoléon et les siens ont fait face
à l’armée royale venue à sa rencontre pour l’arrêter mais, tandis que l’Empereur
ouvrait sa redingote en désignant sa poitrine pour cible aux soldats du Roi, ces
derniers se rallièrent à lui avant de le suivre jusqu’à Paris entraînant tout
un peuple derrière eux.
Laffrey, Prairie de la Rencontre. Napoléon arrangant l'Ensemble à Vent de l'Isère. Photo : (c) Bruno Serrou
Après le signal du début des agapes donné par une canonnade
qui aura ébranlé jusqu’au sommet des montagnes à l’aplomb du lac et une marche
de grognards conduite par des grenadiers à pied jouant fifres et tambour, l’Ensemble
à Vent de l’Isère, orchestre d’harmonie amateurs dirigé par Eric Villevière, a
exécuté en présence de l’Empereur la Victoire de Wellington, une suite
Bonaparte du compositeur-trompettiste autrichien Otto M. Schwarz (né en 1967),
spécialiste de l’orchestre d’harmonie, avant de terminer sur l’Ouverture 1812
de Tchaïkovski. Tandis que sur la rive-même du lac se succédaient les
steel-drummers du Joséphine Steel Band, venus rappeler sur la plage où s’égayaient
des baigneurs, les origines martiniquaises de la première épouse de l’Empereur, Joséphine de Beauharnais.
Grenoble, Terrasse du Musée Dauphinois. Napoléon arrangant la foule. Photo : (c) Bruno Serrou
Les Terrasses de Grenoble
Après un déjeuner champêtre, la
troupe, toujours plus nombreuse, s’est dirigée vers Grenoble, pour rallier les
Terrasses du Musée Dauphinois qui dominent l’Isère et la capitale du Dauphiné. Planté
sur la muraille, Napoléon a brièvement discouru avant de donner le départ de la
troisième étape musicale animée par les Briançonneurs et le Joséphine Steel
Band, qui ont présenté leurs instruments respectifs à un public médusé et
désireux de s’essayer à leur jeu.
La Côte-Saint-André, Place Hector Berlioz. Villageois et soldats impériaux. Photo : (c) Bruno Serrou
Défilé militaire à La Côte-Saint-André
L’ultime étape de cette journée à
marche forcée était naturellement fixée à La Côte Saint-André, siège naturel du
Festival Berlioz, puisque c’est là qu’Hector Berlioz est né et a vécu jusqu’à l’âge
de 18 ans. Bien que sa remontée vers Paris ne passa pas ce village, mais à
quelques kilomètres au large, Napoléon et sa petite armée s’est retrouvée sur
la Place Hector Berlioz, rejoints par les villageois ayant revêtu des costumes
d’époque, les femmes pourvues d’ombrelles, les hommes portant hauts de forme en
feutre, tandis que l’Ensemble à Vent de l’Isère reprenait le Bonaparte de
Schwarz puis l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski avec tir de canon et tirs de
fusils Charleville Modèle 1777, qui ont donné le signal du défilé militaire
dans les rues de la Côte-Saint-André bordées de stands d’artisans travaillant à
la façon de leurs ancêtres du début du XIXe siècle.
La Côte-Saint-André. La Halle. Le Banquet pour Napoléon. Photo : (c) Bruno Serrou
Banquet pour Napoléon
Comme dans toute aventure, ce
long prologue du Festival Berlioz s’est terminée autour d’un riche banquet de
plus de cinq cents couverts proposant des plats préférés de Napoléon préparés
par Stéphane Brette et l’équipe de Païza, et animé par le Chœur Emelthée, la
Clique des Lunaisiens, spécialiste du répertoire historique de la chanson, et l’Ensemble
à Vent de l’Isère, le tout dirigé par Arnaud Marzorati. Les œuvres allaient de
ce qu’a pu entendre Napoléon et Hector Berlioz, des chansons authentiques à la
parodie de Carmen (ce que n’ont pu connaître ni Bonaparte ni Berlioz). La
soirée s’est terminée tard dans la nuit.
Bruno Serrou
Le Festival Berlioz est aujourd'hui à La Côte Saint-André, avec un récital de Christina et Michelle Naughton (piano à quatre mains) Eglise Saint-André à 15h, puis à Vienne à parir de 18h et jusqu'à minuit, au Théâtre Antique, pour un Gala Impérial Hector Berlioz offert par trois Orchestres des Jeunes Démos Isère
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