Montpellier, Festival Les Folies d’Ô,
Domaine d’Ô, mercredi 8 juillet 2015
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. Au centre : Hélène Mas (la Périchole), Marc Larcher (Piquillo). Photo : (c) Guy Rieut
C’est sur
la découverte d'un lieu exceptionnel qu'a été placée la soirée « opérette et
comédie musicale sous les étoiles » qui m'a conduit à Montpellier le temps
d'un unique spectacle. Le Domaine d’O est en effet un site culturel de premier
ordre. A côté d’un théâtre couvert, un second théâtre cette fois en plein air
dans l’esprit de celui de l'Archevêché à Aix-en-Provence, mais en plus
contemporain. Y sont donnés principalement des pièces de théâtre ou des
concerts de musique du monde et populaires, mais la musique classique et
surtout le théâtre lyrique y ont leur place, non seulement en raison d'un
plateau de grande envergure mais surtout par la présence d’une fosse assez
vaste et profonde.
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. Au centre : Hélène Mas (la Périchole). Photo : (c) Guy Rieut
C’est
donc en toute logique que l’association Folies lyriques y a élu domicile, sous
la direction artistique du chef d’orchestre Jérôme Pillement, également
directeur artistique d’Opéra Junior depuis 2009. Il y programme chaque
année deux ou trois opérettes et opéras-bouffes ainsi qu’un festival et
plusieurs manifestations dans le cadre de la Fête de la Musique. Cette fois, c’est
un spectacle appelé à tourner dans toute la France dans les mois qui viennent que
les Folies lyriques ont créé ce début de semaine Domaine d’Ô à Montpellier. Il
s’agit d’une nouvelle production de l'opéra-bouffe de Jacques Offenbach la Périchole, coréalisée avec
Opéra-Eclaté et le Festival de Saint-Céré.
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. Au centre : Hélène Mas (la Périchole). Photo : (c) Guy Rieut
Opéra-bouffe tiré de la nouvelle
de Prosper Mérimée, l’auteur de Carmen dont les même Meilhac et Halévy s’inspireront
pour le chef-d’œuvre de Georges Bizet, le
Carrosse du Saint-Sacrement que Jean Renoir adaptera en 1953 pour le cinéma
sous le titre le Carrosse d’or, la Périchole (1868) est l’un des
opéras-bouffes les plus célèbres du « Mozart des Champs-Elysées ».
Son livret, avec son dictateur d’opérette digne d’une aventure de Tintin
amoureux d’une jolie métisse comédienne, et le cadre de l’action, le Pérou,
ouvrent toutes les perspectives aux metteurs en scène, jusqu’aux délires les
plus fous. Mais il faut aussi savoir y ménager des espaces de poésie, l’œuvre
contenant de grandes pages d’émotion pure et de romantisme.
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. Photo : (c) Guy Rieut
Mis en
scène par Benjamin Moreau et Olivier Desbordes, c’est bel et bien la patte de
ce dernier qui émerge de ce spectacle enlevé, festif un brin grivois mais aussi
empreint de nostalgie et de pudeur. A commencer par la distribution où l’on
retrouve ses fidèles interprètes, comme Eric Vigeau et Yassine Benameur,
inénarrables duettistes de lèches-bottes mielleux, roublards et balourds, mais
aussi Antoine Baillot-Devallez, Samuel Oddos, Hervé Martin…
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. L'affiche du spectacle à l'entrée du Domaine d'Ô. Photo : (c) Bruno Serrou
Entourés
ainsi de ces vieux briscards champions assidus de Desbordes-le-facétieux, les
deux principaux protagonistes n’ont qu’à se glisser sans forcer dans le sourire
à la fois malicieux et grave d’Offenbach. Les qualités vocales et la plastique
de ce duo révèle tout ce que Bizet et sa Carmen
doivent à Offenbach et à sa Périchole.
Plusieurs situations, les espagnolades, la figure de bohème de la chanteuse, la
façon dont celle-ci mène les hommes par le bout du nez, le couple vocal mezzo-soprano/ténor,
des airs et un certain nombre de tournures orchestrales apparaissent en toute évidence
dans la mouvance de Mérimée pour le texte et de Bizet pour la musique. Ici,
le grotesque le dispute au sublime, la comédie au tragique, le lyrisme au
drame, le tout entremêlé avec science et avidité par un Offenbach au sommet de
son art tandis que le Second Empire court à sa perte et se remet à grand peine
de la mésaventure mexicaine dont le Pérou de
la Périchole n’est que l’allégorie.
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. Photo : (c) Bruno Serrou
Olivier Desbordes
et Benjamin Moreau profitent du fait que les héros soient des artistes qui
s'affrontent au pouvoir despotique qui les exploite et les maltraite pour
intégrer les chevaux de bataille du premier, notamment les revendications des
intermittents du spectacle. Moins surchargée que ce qu'offrait Jérôme Savary,
la mise en scène de Moreau et Desbordes n’hésite pas à empiéter dans les
espaces réservés au public, et s'avère lubrique mais sans excès.
Jacques Offenbach (1819-1880), la Périchole. Production Opéra Eclaté/Les Folies lyriques. Hélène Mas (la Périchole), Philippe Ermelier (Don Andrès de Ribeira, vice-roi du Pérou). Photo : (c) Guy Rieut
Marc
Larcher est un Piquillo plein de charme et d’élégance, la voix est claire,
ensoleillée, charnue, le chant coule avec naturel, le timbre est suave et se
fond avec naturel à celui de sa comparse, la chanteuse de rues incarnée de
magistrale façon par la superbe mezzo-soprano Héloïse Mas, Révélation de l’Adami
2014 qui a déjà tous les atouts pour devenir une grande Carmen : élégance,
abattage, jeu de chatte énamourée, enjôleuse enjouée, voix chaude, moelleuse, ample,
sensuelle au timbre de bronze. Face à eux, un vice-roi du Pérou adipeux et
lubrique qui joue les rappeurs trop bien élevés. Moins convainquant est le
trio des cousines, guère à leur avantage dans leur accoutrement de commères et
aléatoires sur le plan vocal. En revanche, le Chœur de l'Opera de Montpellier
est homogène et coloré.
Côté
fosse, sous la direction nuancée, précise et énergique de Jérôme Pillement,
l'Orchestre Avignon-Provence est impeccable et ne mérite que des éloges, tous pupitres confondus. A l’instar d’Offenbach qui se plaisait
à improviser des citations de pages célèbres en son temps dans ses œuvres, le
chef en rajoute en références musicales, intégrant au premier acte une longue citation
d’une œuvre célèbre qu’Ennio Morricone a composée pour un western spaghetti de Sergio
Leone suivie d’une allusion à la Flute
enchantée de Mozart alors que le chanteur songe à se pendre... Au
total un réjouissant divertissement qui donne néanmoins à réfléchir autant qu’à
sourire, qui « grandira, grandira, grandira, car il est espagnol-gnol-gnol ».
Bruno
Serrou
Saint-Céré, Halles des sports les 3, 7, 11 et 15 aout à 21h30. Antibes, Anthéa, les 25 et 26 octobre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire