Paris, Théâtre des Champs-Elysées, jeudi 30 octobre 2014
Leif Segertam. Photo : DR
Outre le fait qu’il s’est agi du
dernier concert de l’Orchestre National de France au Théâtre des
Champs-Elysées, son lieu de résidence depuis sa fondation en 1934, la salle
centenaire devant être abandonnée au profit de la nouvelle salle de Radio France,
le concert de jeudi avait de quoi séduire, avec un programme pour le moins
alléchant, bien qu’hétérogène, avec des œuvres et des compositeurs n’ayant que
peu de rapports entre eux, même si le chef d’orchestre bavarois Richard Strauss
(1864-1949) dirigea la création de ses confrères, son aîné russe Piotr Ilyitch
Tchaïkovski (1840-1893) et son contemporain finlandais Jean Sibelius (1865-1957).
Invité par l’Orchestre National de France, le chef Leif Segerstam, lui-même
compositeur présenté par ses compatriotes comme l’héritier de Sibelius avec deux
cent quatre vingt cinq symphonies (vous avez bien lu : 285 !) à ce
jour, Chef Emérite de l’Orchestre Philharmonique d’Helsinki et Chef principal de
l’Orchestre Philharmonique de Turku, est à 70 ans un musicien au tempérament bouillonnant,
et sa gestique est pour le moins irrationnelle.
Orchestre National de France et son directeur musical, Daniele Gatti. Photo : DR
Massif de physionomie, longs cheveux
descendant sous les omoplates, barbe hirsute courant jusque sur la poitrine, le
tout blanc neigeux, lui donnent un aspect à la fois de père Noël et d’ermite
bien nourri, si ce n’étaient l’habit noir, la chemise et le nœud papillon
blancs. Déplaçant sa lourde carcasse avec difficulté, montant pesamment sur l’estrade
avant d’escalader après moult détours de hanches et de jambes une chaise haute
pour diriger assis, il finit par bouger les bras en hésitant avant de brasser
le vent de ses mains de bucheron - la gauche grande ouverte comme si ses
phalanges étaient pétrifiées, la droite tenant fermement une longue baguette -
pour donner le départ d’un geste illisible, au point que l’Orchestre National
de France s’est lancé au bonheur la chance dans la fantaisie symphonique d’après
Dante, Francesca da Rimini op. 32 de
Tchaïkovski. Conçue en 1876 au retour de son auteur du premier Festival de
Bayreuth, cette œuvre programmatique d’une vingtaine de minutes puise à la fois
dans le cinquième chant de l’Enfer de
Dante et dans un tableau que ce dernier inspira à Gustave Doré, l’Ouragan infernal centré sur la rencontre
aux Enfers du Dante avec les âmes de Francesca et de son amant Paolo tous deux poignardés
par le mari jaloux et condamnés à l’errance éternelle dans les abysses. Les
accents menaçants et hallucinés de la partition ont suscité de nombreux
décalages au sein de l’orchestre, malgré les tentatives de cohésion à force
mouvements du corps de Sarah Nemtanu, la direction du chef finlandais s’avérant
imprécise et molle, les mains ne bougeant quasi pas au bout de bras ouverts en
croix se contentant de projeter des cercles dans l’air.
Orla Boylan (soprano). Photo : DR
Ce qui a laissé craindre pour la
délicatesse de l’écriture de Richard Strauss, dans son époque la plus raffinée,
celle du tout dernier opéra, Capriccio
op. 85. En effet, malgré l’énormité
de l’orchestre requis (quatre vingt six musiciens) par le maître bavarois,
cette « conversation en musique » est toute de transparence et de
suavité. Sorti de la fosse, cet effectif sonne à l’excès si l’on n’y prend
garde. Ouverte sur la sublime Musique de
Clair de lune reliant les deux dernières scènes, l’exécution de la scène
finale de Capriccio s’est avérée
excessivement sonore et guère touchante. La comtesse Madeleine, qui se doit ici
de décider qui du compositeur ou du poète a sa préférence, expose une tendre et
émouvante réflexion sur un choix qui s’avère impossible. A l’exception du cor
solo, dextrement tenu par Hervé Joulain, qui ouvre et conclut cette extraordinaire
demie heure de musique, l’Orchestre National de France est apparu laissé en déshérence,
si bien que la cohésion a été aléatoire, tandis que la soprano irlandaise Orla Boylan
n’a ni le timbre, ni la grâce du rôle, alors que la voix bouge à l’excès.
Leif Segerstam. Photo : DR
Alors que la situation semblait
désespérée, un miracle a finalement eu lieu dans la seconde partie de soirée,
occupée par la seule Symphonie n° 2 en ré
majeur op. 43 de Sibelius. Conçue en 1901, la plus longue des sept symphonies
du maître finlandais est aussi la plus célèbre, au point d’être considérée par
les Finlandais, au côté du poème symphonique Finlandia op. 26, comme un hymne à la résistance contre l’occupant
russe. La brièveté de ses thèmes, l’alliage peu couru des divers groupes d’instruments
donnent l’impression d’une œuvre évoluant continuellement, comme une course au
renouveau d’une extrême expressivité, la narration tenant l’auditeur en haleine
jusqu’à l’immense crescendo final de l’orchestre entier qui conduit à une
courte et exaltante coda triomphale dominée par les cuivres. En dépit de quelques
décalages et d’un léger tunnel suscités par une baisse de tension de la direction
dans le deuxième mouvement, la vision globale de Segerstam et l’attention
soutenue des musiciens de l’Orchestre National de France, qui a particulièrement
brillé dans les deux derniers mouvements enchaînés, s’exprimant sans siller
dans l’incisif et tumultueux scherzo et respirant large dans le dense Allegro moderato conclusif, ont fait que
cette seule symphonie a valu à ce concert d’être vécu…
Bruno Serrou
Bonjour,
RépondreSupprimerJe voudrais vous envoyer un mail pour vous inviter à l'avant première d'un film dans lequel la musique est d'une grande importance.
Pourriez vous m'envoyer un mail svp
lionceaufilms3@gmail.com.
Merci d'avance,
Julie.