Annecy, Annecy Classic Festival, église
Sainte-Bernadette, mercredi 20 août 2014
Annecy, église Sainte-Bernadette. L'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg saccorde avant le début du concert. Photo : (c) Bruno Serrou
Le second
concert de l'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg placé sous la
direction du pianiste chef d'orchestre et compositeur hongrois Zoltan Kocsis, a
embrassé tout le XIXe siècle et mis en regard l'Allemagne et la Russie. Après
l'instrument roi, le piano avec le Russe Matsuev, c'était au tour du roi des
instruments, le violon, avec le Français Laurent Korcia, de concerter avec la
fabuleuse phalange pétersbourgeoise. Constatons dès ce liminaire, que le
jeu et l’engagement du second a été à l’exact opposé de ceux du premier,
Matsuev étant impérial et convaincu de ses choix, totalement impliqué dans son
interprétation et faisant corps avec son piano comme s’il impliquait sa propre
vie, là où Korcia est resté sur son quant-à-soi, presque timoré, plus attentif
à ne pas trahir les intentions du compositeur que de vivre la musique qu’il
jouait pour la faire sienne.
Annecy, église Sainte-Bernadette. Zoltan Kocsis et l'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg. Photo : (c) Yannick Perrin
Il faut dire
que Laurent Korcia n’a pas choisi la facilité en décidant de se confronter à l’impressionnant
Concerto pour violon et orchestre en ré
majeur op. 77 de Johannes Brahms, monument du répertoire violonistique,
véritable juge de paix pour les violonistes.
Sans doute
conscient de l’enjeu, Korcia, qui brille dans le répertoire du xxe
siècle et que l'on aime à écouter dans des œuvres de vélocité comme celles de Bartók,
Ysaÿe ou Enesco, entre autres, n’a pas convaincu dans Brahms. Les grandes
envolées d’une expressivité à fleur de peau, les longues phrases de Brahms qui
demandent un phrasé à la fois ardent et large, les sonorités charnelles mises
en exergue par l’écriture Brahmsienne ont comme tétanisé le violoniste. Du
coup, son archet s’est fait lourd sur les cordes, les attaques pesant des
tonnes, la justesse s’est avérée aléatoire, les doigts se montrant comme
paralysés sur le manche ne pouvant courir aussi vite que la musique. Tant et si
bien que le son, souvent aigre, s’est fait étroit, comme restant dans l’instrument,
le discours ne respirant pas, et le souffle romantique ne se déployant pas. Les
ineffables beautés du concerto de Brahms n’ont pas réussi à libérer le musicien
de ses craintes évidentes, comme s’il était n’osait se confronter à la grandeur
de l’œuvre qu’il est de toute évidence en train d’approfondir. Peut-être l’a-t-il
joué trop tôt, hier, et a-t-il besoin de mûrir sa conception avant de la faire
pleinement sienne. Korcia a pourtant été magnifiquement aidé par Zoltan Kocsis,
qui, dirigeant par cœur, a soutenu son soliste et discouru avec vigilance avec
lui, parvenant même à retomber sur ses pieds en rétablissant un temps avalé par
son soliste à la fin de l’exécution. La lumière et la chaleur brahmsiennes sont
venues du Philharmonique de Saint-Pétersbourg dont les timbres de braise et les
sonorités éblouissantes et charnelles ont magnifié la partie orchestrale,
tandis que Kocsis, de sa gestique extérieurement gauche et raide mais d’évidence
terriblement efficace l’essentiel de ses intentions étant exprimées du regard,
a offert à Korcia un écrin à la fois vibrant, fébrile et conquérant. Kocsis et
l’orchestre se sont avéré davantage que des partenaires, d’authentiques
comparses enveloppant de leurs timbres délectables un violon trop terrien pour
brosser de concert une chatoyante, grandiose et délectable symphonie
concertante.
Laurent Korcia. Photo : DR
Une fois le
concerto de Brahms achevé, l’on a retrouvé le Laurent Korcia que l’on aime,
soudain libéré, dans un long bis éblouissant tiré du répertoire qui lui va
particulièrement bien, un splendide solo de sonate d’Eugene Ysaÿe, qui a fait
regretter le choix de Brahms plutôt que de Bartók, alors qu’il était dirigé par
un Hongrois qui plus est éminent spécialiste de Bartók... Laurent Korcia
retrouvera d’ailleurs Zoltan Kocsis dans Bartók dans le cadre d’un
enregistrement studio à paraître en CD.
Annecy, Zoltan Kocsis dirigeant l'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg. Photo : (c) Yannick Perrin
La seconde
partie du concert était entièrement consacrée à la Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 55 « Eroica » de
Beethoven. Le Philarmonique de Saint-Pétersbourg en a proposé une brûlante interprétation
d’une unité et d’un élan éblouissant, les musiciens regardant peu le chef, qui
se contentait pour sa part de brasser de larges gestes taillés à la serpe mais
suivi avec vigilance par les musiciens, avec l’assistance particulièrement
pertinente du premier violon. Il ne reste pas moins de cette ardente interprétation
une impression d’achevé, le sentiment d’avoir assisté à un moment captivant,
tant les instrumentistes de la phalange pétersbourgeoise incarnent cette
musique qu’ils maîtrisent haut la main et qu’ils aiment de toute évidence. Une Eroica frénétique, tendue et dramatique,
avec une marche funèbre de belle facture et d’une remarquable unité.
Annecy, Zoltan Kocsis et l'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg. Photo : (c) Yannick Perrin
En préambule du
concert, Zoltan Kocsis a tenu à saluer l’école russe dont la formation qu’il a
dirigée pendant deux jours est le fer de lance, avec une ouverture de Rouslan et Ludmila de Mikhaïl Glinka
enlevée et chatoyante. Pendant ces deux jours, l'entente entre le chef hongrois, merveilleux musicien, et l'orchestre russe a été parfaite.
Ce concert est à écouter en streaming sur
Medici-tv (www.medici.tv/#!/annecy-classic-festival) pendant les trois
prochains mois.
Bruno Serrou
Renseignements et réservations : Annecy Classic
Festival. 3, place du Château. 74000 - Annecy. +33 (0)4.50.51.67.67 (de 10h à 17h). Par Internet : www.annecyclassicfestival.com
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