le WDR Sinfonieorchester Köln et Jukka-Pekka Saraste. Photo : (c) WDR Köln, DR
Tandis
que les orchestres de radio allemands sont actuellement sous la pression de
restrictions monétaires qui, malgré la santé économique de l’Allemagne en
regard du reste du monde, tendent à inciter les länder à réduire drastiquement
leurs subsides, voire à les supprimer carrément, ce qui conduit soit à la
concentration de plusieurs phalanges, à l’instar de ce qui se passe en ce
moment dans le Bade-Wurtemberg, soit à leur disparition pure et simple, comme à
Hanovre, il est bon que des salles de concert comme Pleyel les accueille tant
ils tendent à l’excellence. Ce que confirme le haut niveau de la prestation de
l’orchestre de la Westdeutscher Rundfunk (Radio de l’Allemagne de l’Ouest) de
Cologne offerte mardi.
Fondée
en 1945 pour succéder à l’Orchestre du Reichssender créé en 1926, le Kölner
Rundfunk-Sinfonie Orchester a eu pour directeurs musicaux des chefs de renom comme
Christoph von Dohnanyi, Zdenek Macal, Gary Bertini et Semyon Bychkov. Sous leur
impulsion, la formation de Rhénanie-du-Nord-Westphalie s’est imposée comme l’un
des grands orchestres européens de radio. Et si l’on en croit la performance de
l’orchestre à Pleyel, sa réputation est loin de devoir s’atténuer.
Jukka-Pekka Saraste. Photo : (c) WDR Sinfonieorchester Köln, DR
A l’aune
de ce concert, il est clair que sous l’influence de Jukka-Pekka Saraste, le WDR
Sinfonieorchester Köln raffermit ses qualités intrinsèques. D’une formidable
homogénéité, sonnant rond et fier, jouant avec un panache étourdissant, l’orchestre
allemand répond à la moindre sollicitation du chef finlandais, qui, l’air de
rien, tient fermement ses troupes tout en leur laissant la bride sur le cou. Pas
une faute d’attaque, une panoplie de couleurs d’un foisonnement exceptionnel ont
magnifié des œuvres que l’on croyait connaître par cœur au point de les
rehausser et de surprendre à chaque phrase.
Il faut
dire que les musiciens chantaient dans leur jardin. Malgré une formation allégée
(14-12-10-8-6 cordes) là où nombre de chefs allemands ajoutent généralement
deux instrumentistes par pupitres, l’ouverture d’Egmont op. 84 et la Symphonie
n° 5 en ut mineur op. 67 de Beethoven ont impressionné par la virtuosité de
l’interprétation, la souplesse des attaques, l’unité des intonations, la
vivacité de l’élan impulsé par le chef tandis que les musiciens rivalisaient en
timbres et en luminosité agrémentés par une assise de graves au velouté ahurissant.
Karita Mattila (soprano)
Entre
les deux partitions beethoveniennes, l’Orchestre de la WDR a fait appel à
Karita Mattila pour les Quatre derniers
Lieder de Richard Strauss. L’on a pu craindre un instant que la soprano
finlandaise ait la voix trop puissante pour ces pages crépusculaires du
compositeur bavarois, qui rend ici un ultime hommage à la voix de sa femme, la
cantatrice Pauline de Ahna créatrice du rôle de Gretel de Hänsel und Gretel de
Humperdinck. Or, il n’en a rien été. Du moins après le premier lied, Frühling (Printemps) sur un poème d’Hermann Hesse, dont les vocalises légères
ne correspondent pas à sa voix ample de Mattila, qui patinait quelque peu. Mais
dès September (Septembre), le timbre lumineux qui a fait de la cantatrice une
juvénile Salomé a pu s’épanouir pour vivifier l’émotion qui émanait de sa voix
avec un naturel qui lui a permis de canaliser son expression et sa ligne de chant
après avoir dû les soutenir de larges mouvements du corps pour surmonter les tensions
du premier lied. L’émoi est allé crescendo jusqu’à l’ultime Im Abendrot (Au crépuscule) sur des vers de Joseph von Eichendorff dans lequel le
compositeur, sur de sublimes appels de flûte évoquant les oiseaux s’égayant
dans le ciel, s’interroge sur la nature de la mort, que l’orchestre et ses
magnifiques solistes (violon, alto, cor, flûte, hautbois) et ses moelleux tutti a sertis d’un onctueux tissu sur
lequel Karita Mattila a appuyé un chant d’une céleste beauté. L’on eut aimé après
une telle profusion d’émotion que le temps demeure suspendu, mais la
précipitation de quelques spectateurs pressés d’exhiber leur savoir, ont brisé
le silence, se mettant sans attendre à applaudir avant même que le chef ait
baissé les bras… Ils ont ensuite lourdement insisté pour que Karita Mattila
leur offre un bis, mais la cantatrice, après avoir plusieurs fois remercié le
public, a fini par signifier au chef sa volonté d’en rester là.
Après
la Cinquième de Beethoven, Jukka-Pekka
Saraste et le SWR de Cologne ont donné en bis l’ouverture de Béatrice et Bénédict de Berlioz, qui,
avec cet orchestre aux harmonies veloutées, a sonné avec une abondance de couleurs
et une fluidité de feu qui ont singulièrement manqué dans l’interprétation donnée
durant le Festival Berlioz de la Côte-Saint-André en août dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/08/hector-berlioz-recu-fin-aout-ses.html)
du Jeune Orchestre Européen, ensemble d’instruments anciens dirigé par
François-Xavier Roth.
Bruno Serrou
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