Printemps des Arts de Monaco, Beaulieu, Salon de la Rotonde Lenôtre,
jeudi 28 mars 2013
Salon de la Rotonde Lenôtre de Beaulieu. Photo : (c) BS
Les deux Sonates pour violon et piano Sz 75 BB 84 et Sz 76 BB 85 (1921-1922) de Béla Bartók renvoient à la fois à Schönberg,
Debussy, Stravinski et à la musique populaire
hongroise, mais pas nécessairement dans cet ordre et pas toujours de façon distincte. Alternant
vivacité et austérité, la Sonate pour violon n ° 1 compte nombre d’épisodes énergiques et expressionnistes,
même s’ils sont quelque peu atténués
par des passages plus retenus qui
induisent des moments plus flottants,
des sonorités immatérielles et de longues mélodies éthérées à la façon de Brahms,
infléchies de tons entiers et d’échelles
pentatoniques. L’intégration de l’atonalité,
de l’harmonie impressionniste et de la
chanson populaire est plus
profonde encore dans la Sonate pour violon et piano n° 2, tandis qu’idées
et humeurs sont plus unifiées dans le cours de son développement aux contours singulièrement clairs et homogènes. Bien que cette sonate ne soit pas exempte de bouillonnants moments,
ceux-ci découlent davantage des danses hongroises
que d’émotions plus ou moins tourmentées. Ces deux sonates, qui comptent parmi les plus
hauts chefs-d’œuvre de la musique de chambre, ont été écrites quasi simultanément et forment ainsi une sorte de
diptyque harmonique et architecturel qui les fait compter parmi les œuvres
les plus complexes du compositeur hongrois, bien qu’elles ne soient pas dénuées
d’intériorité et de passion.
Jelly d’Arányi (à gauche) et sa sœur Adila d’Arányi (à droite) entourant Béla Bartók. Photo : DR
Ces deux partitions sont dédiées à
la violoniste Jelly d’Arányi
(1893-1966), grand-nièce de Joseph Joachim, le dédicataire et créateur entre
autres du Concerto pour violon et
orchestre de Brahms. Les deux sonates pour violon et piano de Bartók sont
dédiées à cette artiste. Mais c’est à Mary Dickinson-Auner, en compagnie d’Eduard
Steuermann, qu’est revenue la création de la première sonate, à Londres le 8 février
1922, tandis que la seconde était créée à Berlin le 7 février 1923 par Imre
Waldbauer et Béla Bartók. La virtuosité de Jelly d’Arányi était telle que Ravel
lui dédia à son tour son Tzigane pour
violon et piano après l’avoir entendue jouer la première sonate de Bartók à
Paris le 8 avril 1922 en compagnie de l’auteur au Théâtre du Vieux Colombier…
C’est à deux jeunes musiciennes qui ont à peu près le même âge que la dédicataire des sonates de Bartók au moment de leur conception que le compositeur Marc Monnet, directeur du festival le Printemps des Arts de Monaco, a confié ces deux sonates composées par un Bartók âgé de quarante ans, dans le cadre du Portrait que le festival consacre au créateur hongrois, la violoniste marseillaise Saténik Khourdoïan et la pianiste parisienne Hélène Tysman. Toutes deux issues du Conservatoire de Paris, elles se sont rencontrées autour de ce projet monégasque. Pourtant, à leur écoute, elles sont immédiatement apparues en phase, donnant une lecture toute en poésie et en contrastes, en dégageant clairement les lignes de force, soulignant les contours et influences tout en instillant le caractère et la densité propres à Bartók. Le jeu lumineux et chaleureux, la précision de l’archet sur la corde et le doigté de la violoniste sont affermis par le toucher aérien, coloré et sûr de la pianiste. Les deux musiciennes ont saisi tout autant l’inventivité et l’originalité du compositeur, et son assise dans le terroir et dans son temps, instillant à la fois clarté des lignes, modernité et extrême diversité des climats et puissance expressive.
Saténik Khourdoïan (violon) et Hélène Tysman (piano). Photo : (c) 2013 - Alain Hanel - Photographies
C’est à deux jeunes musiciennes qui ont à peu près le même âge que la dédicataire des sonates de Bartók au moment de leur conception que le compositeur Marc Monnet, directeur du festival le Printemps des Arts de Monaco, a confié ces deux sonates composées par un Bartók âgé de quarante ans, dans le cadre du Portrait que le festival consacre au créateur hongrois, la violoniste marseillaise Saténik Khourdoïan et la pianiste parisienne Hélène Tysman. Toutes deux issues du Conservatoire de Paris, elles se sont rencontrées autour de ce projet monégasque. Pourtant, à leur écoute, elles sont immédiatement apparues en phase, donnant une lecture toute en poésie et en contrastes, en dégageant clairement les lignes de force, soulignant les contours et influences tout en instillant le caractère et la densité propres à Bartók. Le jeu lumineux et chaleureux, la précision de l’archet sur la corde et le doigté de la violoniste sont affermis par le toucher aérien, coloré et sûr de la pianiste. Les deux musiciennes ont saisi tout autant l’inventivité et l’originalité du compositeur, et son assise dans le terroir et dans son temps, instillant à la fois clarté des lignes, modernité et extrême diversité des climats et puissance expressive.
Photo : (c) BS
Entre ces deux sonates d’une densité extrême, Saténik Khourdoïan et Hélène
Tysman ont proposé une respiration bienvenue, en intercalant entre les deux œuvres
les six Danses populaires roumaines BB 68
que Bartók composa en 1915, puis arrangea pour petit orchestre en 1917. Le
succès de ces pages fut tel dès leur création, que nombre d’adaptations en ont été
réalisées. Parmi elles, celle pour violon et piano signée par le compositeur violoniste
hongrois Zoltán Székely
(1903-2001) et publiée en 1926 est seule autorisée par Bartók. Ces pages
se fondent sur des danses de Transylvanie, territoires hongrois devenus
roumains en 1919. Le duo Khourdoïan Tysman
en a donné une lecture enjouée et chatoyante. En bis, les deux musiciennes ont
rendu ensemble hommage à leurs racines intimes respectives, une Danse arménienne d’Aram Khatchatourian suivie
d’une Mélodie hébraïque de Maurice Ravel,
qui ont touché le public venu en nombre malgré la pluie fine et froide qui
tombait sur la petite cité balnéaire de Beaulieu assister à ce concert présenté
dans les charmants Salons de la Rotonde Lenôtre érigé à la fin du XIXe
siècle.
Bruno Serrou
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