Paris, Opéra de Paris Bastille, mercredi 20 février 2013
Die Walküre, acte II. Egils Silins (Wotan) et Sophie Koch (Fricka). Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Volet le plus populaire du Ring de Richard Wagner, Die Walküre n’avait pas été donné à
l’Opéra de Paris depuis trente-trois ans jusqu’à la première le 31 mai 2010 de
la production de Günter Krämer reprise ce mois-ci à Bastille et annoncée comme
retravaillée. Après la Walküre d’une Tétralogie avortée de Klaus Michael
Grüber et Georg Solti au Palais Garnier en 1976 reprise en 1978, celle proposée
à Bastille conforte les impressions exprimées à l’issue du prologue. Günter
Krämer connaît indubitablement le grand cycle wagnérien et est un excellent
directeur d’acteurs. Il connaît aussi ses classiques, puisque sa Walkyrie puise un certain nombre de
références chez Patrice Chéreau et chez Yannis Kokkos, et même chez Albert
Speer, l’architecte de Hitler inventeur de la cité idéale baptisée Germania.
Ainsi, au premier acte, l’opulente forêt de pommiers en fleur couverte de rosée
de l’hymne au printemps emprunte au décor de Richard Peduzzi à Bayreuth pour la Walkyrie
du Centenaire, tandis que le grand escalier qui se reflète dans un miroir
gigantesque au deuxième acte vient indubitablement du metteur en scène
scénographe grec…
Die Walküre, acte II. Martina Serafin (Sieglinde) et Stuart Skelton (Siegmund). Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Davantage que dans Das Rheingold (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/02/la-reprise-de-das-rheingold-de-philippe.html) des modifications
bienvenues ont été intégrées pour cette reprise, mais l’ensemble reste le salmigondis de clichés
éculés et de laideur qu’il était dès l’origine. Ainsi, la vaste demeure du
néo-nazi Hunding n’est plus envahie tout au long du premier acte par un monceau
de cadavres de victimes d’un carnage perpétré par le maître des lieux et ses
sbires sur la peuplade des Wälsung, avec force viols et empalements. La place
est désormais réduite à une sorte de couloir, l’action se déroulant désormais à
l’avant-scène devant un mur de briques, tandis que Nothung est plus
discrètement plantée côté jardin. Mais les hommes de main de Hunding sont
toujours là, envahissants et vulgaires… Le décor du deuxième acte découle toujours
du finale de Das Rheingold vu de
l’intérieur, dominé par le mot « Germania » planté et astiqué par le
personnel de maison au beau milieu du Walhalla bientôt défait de ses trois
premières lettres. Le tout plonge le spectateur dans une mythologie
national-socialiste éculée, tandis que la fuite du couple incestueux se fait dans
un sombre désert truffé d’un monceau de pommes, pour rappeler au spectateur que
les malheurs du couple incestueux découlent des mésaventures de la déesse Freia
dont les pommes prodiguent l’éternelle jeunesse, avant que la bande de Hunding submerge
Sigmund sous la masse et crée une énorme confusion.
Die Walküre, acte I. Martina Serafin (Sieglinde), Günther Groissböck (Hunding) et Stuart Skelton (Siegmund). Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Ramené sur le devant de la scène et
installés à même le sol, sur lequel ils sont tirés sur des draps maculés de
sang, la chevauchée des Walkyries-infirmières rythme le nettoyage par ces
dernières dans la morgue du Walhalla de héros nus qu’elles remettent sur pieds
non sans avoir vérifié si tout était chez eux en état de marche. Mais Wotan n’endort
plus Brünnhilde sur une table de médecin légiste où le maître des dieux avait
précédemment abandonné le cadavre de Siegmund, mais l’allonge sur l’une des
marches du Walhalla, avant d’invectiver à Loge l’ordre de déployer sa flamme
autour de Brünnhilde endormie et d’embraser la place. La forêt environnante et
le décor de fin du monde ont disparu.
Die Walküre, acte II. Fricka et Wotan. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
Côté musique, Philippe Jordan, malgré
les infinies beautés sonores qu’il attise depuis l’orchestre, En effet, si les tempi sont plus énergiques et contrastés,
cette Walküre manque est encore
lestée de quelques tunnels de dynamique, notamment dans les récits de Siegmund,
Fricka, Wotan, enfin Brünnhilde. Mais les Adieux
de Wotan sont plus oniriques et émouvants qu’il y a trois ans. Quant à l’Orchestre
de l’Opéra de Paris, il se donne sans réserve, s’avérant plus sûr que dans le
prologue du Ring, exaltant des sonorités
de braise avec une justesse sans faille et des attaques sûres et franches. Au sein d’une distribution d’une grande homogénéité, qui constitue
en fait l’attrait de la soirée, il convient de saluer tout d’abord la remarquable
Fricka de Sophie Koch, qui, toute de rouge vêtue, effectue ici une
impressionnante prise de rôle, après Rheingold
dès 2010. Son chaud mezzo à l’aigu éclatant envoûte. Stuart Kelton est un Siegmund
à la fois ardent et pathétique, Martina Serafin une incandescente Sieglinde, Günther
Groissböck un toujours robuste Hunding, tandis qu’Alwyn Mellor campe une
Brünnhilde consistante et Egils Silins un Wotan à la fois altier et fragile.
Enfin, la cohorte de Walkyries est d’une belle cohésion, avec Kelly God, Carola
Höhn, Silvia Hablowetz, Wiebke Lehmkuhl, Barbara Morihien, Helene Ranada,
Ann-Beth Solvang et Louise Callinan.
Bruno Serrou
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