Paris, Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, Auditorium Marcel
Landowski, jeudi 10 janvier 2013
Pierre Roullier. Photo : (c) E. Kongs/2e2m, DR
A nouvelle saison de l’Ensemble 2e2m,
nouvelle figure emblématique de la diversité de la création musicale
contemporaine, avec la mise en résidence du Jordanien Saed Haddad, qui succède ainsi
au Tchèque Ondřej Adámek, qui succédait lui-même au Basque
espagnol Ramon Lazkano, successeur du Russe Dimitri Kourliandski précédé de l’Allemand
Enno Poppe…
Saed Haddad (né en 1972). Photo : DR
Né à Zarka le 14
décembre 1972, résident actuellement en Allemagne, de confession catholique, polyglotte
(il parle couramment l’arabe, l’hébreu, le français, l’anglais et l’allemand), à
la tête d’un catalogue qui compte à ce jour vingt-cinq partitions, Saed Haddad a
étudié la philosophie à l’Université de Beit-Jala et à l’Université catholique
de Louvain, puis la composition à Amman et à Jérusalem, enfin à Londres avec
George Benjamin, au King’s College. Il s’est également perfectionné auprès des
Français Allain Gaussin et Pascal Dusapin, du Hollandais Louis Andriessen et de
l’Allemand Helmut Lachenmann. Il a par ailleurs été pensionnaire de la Villa
Médicis de 2008 à 2010. Avec un tel bagage culturel et artistique, ce
compositeur ne pouvait que concilier dans sa propre musique les richesses musicales,
sonores et intellectuelles de l’Orient et de l’Occident. Pour ce qui le
concerne, Haddad « estime que
le ‘’progrès’’ doit dépendre uniquement de la force de la musique résultant d’un équilibre
entre le physique (beauté, magie,
énergie, tension et virtuosité) et de la métaphysique (existentialisme, transcendantalisme et intellectualisme) », écrit-il sur le portail de son
site Internet, avant d’ajouter : « Irréalisme,
contradiction et impérialisme culturel
sont des stimuli supplémentaires à (son) travail. »
Yousef Zayed (oud). Photo : DR
Pour le premier concert de sa résidence
2e2m, Haddad a révisé une œuvre d’une douzaine de minutes remontant à 2005, La Mémoire et l’Inconnu, dont la version
initiale a été créée en février 2008 à Stockholm par le KammerensembleN dirigé
par Frank Ollu. Ce concerto pour oud solo et quinze instrumentistes
(piccolo/flûte alto, hautbois/cor anglais, clarinette/clarinette basse, contrebasson,
cor, trompette, trombone, deux percussionnistes, deux violons, alto,
violoncelle et contrebasse) permet à deux types d’instruments appartenant à
autant d’univers a priori éloignés les uns des autres de concerter en bonne
intelligence, l’oud arabe, instrument caractéristique particulièrement chantant
et généralement cantonné aux mêmes ritournelles, du moins pour une oreille peu
exercée à la musique arabe - et qui a droit ici à une cadence toute classique -
dialoguant sous les doigts experts de Yousef Zayed avec ductilité et un naturel
étonnant avec l’ensemble d’instruments de l’orchestre occidental exploité dans
des sonorités parfaitement contemporaines, bruits blancs inclus.
Ensemble Amedyez. Photo : DR
Enchaînant les œuvres, du moins
autant que le permettent les changements de plateaux, le concert présentait en
guise d’introduction à la pièce de Haddad une Nouba maghrébo-andalouse dans le tab’ zidane et sbayn interprétée par quatre des membres de l'Ensemble Amedyez placé sous la
direction de Rachid Brahim-Djelloul (violon-alto et chant), entouré de
Noureddine Aliane (oud), Sofia Djemai (mandoline) et Dahmane Khalfa (târ et
derbouka). Pendant plus d’un quart d’heure, une grosse partie du public constitué
de nombreux enfants et adolescents, s’est mise à danser dans les fauteuils et à
fredonner une musique qui lui parlait de toute évidence au cœur.
Vykintas Baltakas (né en 1972). Photo : (c) Universal Edition, DR
Tous avaient précédemment écouté
stoïquement une assez longue pièce du Lituanien Vykintas Baltakas (né en 1972),
Lift to Dubaï, créée par l’Ensemble
Modern de Francfort en 2009. Dans ces pages écrites pour flûte, hautbois, deux
clarinettes, basson, cor, deux trompettes, trombone, percussion, piano,
sampler, violon, alto, violoncelle, contrebasse et électronique en temps réel, ce
compositeur formé auprès de Wolfgang Rihm, Emmanuel Nunes et Péter Eötvös, qui
a également suivi le Cursus de l’IRCAM, décrit les impressions ressenties
lorsqu’il visita la capitale de l’émirat du même nom, d’où des sons et des
atmosphères de ville qui évoquent plus ou moins Amériques (1918-1924) de Varèse, mais en moins coloré, puissant et,
surtout, inventif, malgré la présence de l’électronique. Dirigé avec prévenance
par son directeur musical, Pierre Roullier, l’Ensemble 2e2m a donné des deux œuvres
qui lui étaient réservées une interprétation irréprochable.
Bruno Serrou
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