vendredi 23 mars 2012

George Benjamin a dirigé à Paris « Eclat/Multiples » de Pierre Boulez en présence de son auteur avec l’Ensemble Intercontemporain


Cité de la Musique, jeudi 22 mars 2012
 George Benjamin et Pierre Boulez. Photo : Ensemble Intercontemporain, DR

Concert enthousiasmant de l’Ensemble Intercontemporain dans le cadre d’une tournée qui faisait étape hier jeudi Cité de la Musique en présence de Pierre Boulez, qui aurait dû diriger, mais des problèmes de santé survenus alors qu’il se trouvait à Chicago en ont décidé autrement. Si bien que le compositeur fondateur de l’ensemble a cédé sa place à son confrère britannique George Benjamin, de trente cinq ans son cadet. Compositeur parmi les plus doués et ouverts de sa génération à qui Olivier Messiaen, qui le considérait comme le plus brillant de ses élèves allant jusqu'à le comparer au seul Mozart, prédisait le plus grand avenir, chef d’orchestre inspiré et pédagogue fort couru, George Benjamin semble avoir séduit les musiciens de l’Ensemble Intercontemporain qui se sont montré à leur meilleur, comme s’ils étaient dirigés par leur figure tutélaire en personne.
Le programme, conçu par Pierre Boulez, était comme de coutume supérieurement pensé. Ouvert sur une œuvre de Franco Donatoni, Tema, commande de l’Intercontemporain dédiée à Zoltan Pesko en 1981, d’essence ludique mais étonnamment chantante et chatoyante, avec ses sonorités lumineuses et sensuelles, le concert s’est poursuivi sur une courte pièce de Johannes Boris Borowski, Second, pour flûte, trois percussionnistes, piano, harpe, violon et alto, dédiée à Pierre Boulez. Plutôt dense et directement séduisante quoique de structure complexe, cette œuvre de six minutes composée en 2008 n’a été créée que trois jours avant le concert d’hier, à Freiburg-am-Brisgau, par l’Ensemble Intercontemporain et George Benjamin. S’est ensuivie une remarquable interprétation de Éclat/Multiples (1965-1970), œuvre de trente-cinq minutes pour vingt-cinq musiciens (parmi eux, Michel Cerutti, parti à la retraite en janvier et qui assurait la partie de cymbalum) d’une puissance, d’une richesse de timbres limpides et cristallins qui scintillent d’une lumière d’une extraordinaire pyrotechnie dont seul Boulez a le secret, et qui, dirigée avec souplesse et rigueur par Benjamin, a atteint la dimension d’un véritable classique. En seconde partie, la Suite op. 29 d’Arnold Schönberg pour violon, alto, violoncelle et trois clarinettistes (clarinettes en mi bémol, en si bémol/en la, clarinette basse) qui appartient désormais de plein droit au grand répertoire et qui, avec Benjamin, acquiert tous ses atours de valse et autres ländler, particulièrement dans le troisième mouvement, Thème et variations, où de nombreux passages ont invité à la danse, plus encore que le deuxième, pourtant intitulé Pas de danse. Ainsi, les trente-trois minutes requises pour l’exécution sont passées à la vitesse de la lumière. Un léger regret néanmoins, le violoncelle cintré de Pierre Strauch a curieusement un son serré manquant de puissance, du moins d’où j’étais placé, ce qui déséquilibre l’assise harmonique de l’œuvre de Schönberg.
Pierre Boulez, qui assistait hier au concert, devrait réapparaître au pupitre de chef à Paris en juin prochain, Pyramide du Louvre, à la tête de l’Orchestre de Paris, dans un programme monographique consacré à Maurice Ravel (deux des Miroirs et le ballet intégral Daphnis et Chloé), fidèle à sa propre mission de pédagogue qui consiste notamment à permettre au plus grand nombre d’accéder à la musique la plus sublime. Quant à George Benjamin, nous le retrouverons au Festival d’Aix-en-Provence pour la création mondiale de son second opéra, Written on skin sur un texte de Martin Krimp mis en scène de Katie Mitchell, à la tête du Mahler Chamber Orchestra. Production qui sera reprise par le Nederlandse Opera Amsterdam, le Royal Opera House Covent Garden de Londres, le Théâtre du Capitole de Toulouse et le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino, mais qu’aucun théâtre parisien n’a programmé…
Bruno Serrou

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