Théâtre des Champs-Elysées, mercredi 15 février 2012
Photo : (c) Vincent Pontet/Wikispectacle
Opéra bouffe en trois actes de
Gaetano Donizetti (1797-1848) composé sur un livret de Giovanni Ruffini, créé le
3 janvier 1843 au Théâtre-Italien à Paris sous la direction du compositeur, Don Pasquale a très vite atteint la dimension
de l’archétype du théâtre lyrique burlesque. Donizetti, qui emprunte ici
beaucoup à Rossini en virtuosité et dynamique générale tout en gardant sa part
d’originalité l’écriture mélodique, a composé cette
pantalonnade en un temps record, ce qui se ressent souvent, puisqu’il ne lui
aura fallu que onze jours pour concocter l’ouvrage, du moins si l’on en
croit sa correspondance. Pour ce faire, il a puisé dans plusieurs de ses
ouvrages antérieurs, Gianni di Parogi,
L’Elisir d’amore, L’Ange de Nisada qui deviendra La Favorite…
Dirigées par Donizetti, les répétitions se seraient déroulées dans une
atmosphère glaciale, l’orchestre ne goûtant guère la partition. L’intrigue
puise directement dans la commedia dell’arte,
ses personnages faisant écho à ceux de la comédie, le barbon Don Pasquale correspondant
à Pantalone, Ernesto à Pierrot, Malatesta à Scapin, Norina à Colombine… Cette
histoire immortelle du vieux barbon qui rêve de mettre dans son lit une jeunette
elle-même promise à son neveu non sans avoir détourné une partie de la fortune
de l’oncle, a inspiré nombre de compositeurs, d’Antonio Salieri à Richard
Strauss, auteur du délicieux opéra Die schweigsame Frau (la Femme
silencieuse, 1934), sur un livret
plus raffiné de Stefan Zweig adapté de Ben Jonson.
Gabriele Viviani (Dr Malatesta) et Alessandro Corbelli (Don Pasquale). Photo : (c) Vincent Pontet/Wikispectacle
Un peu plus de deux ans après
avoir redonné vie avec succès à l’Opéra-Comique au Fortunio d’André Messager, le comédien, écrivain, scénariste et
metteur en scène Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie française que l’on
retrouvera en 2014 au Théâtre des Champs-Elysées pour la Clémence de Titus de Mozart, s’est attaché pour sa deuxième production
lyrique à donner noblesse et élégance à cette farce confiée à une distribution
essentiellement italienne. Plantant l’action dans un univers alliant atmosphère
foraine (une camionnette Citroën Type H avec flonflons et tout le confort
moderne à l’intérieur s’ouvrant de toute part, table et chaises de jardin, parasol,
etc.), et cinéma (grand écran en fond de scène), Podalydès et ses scénographes
Eric Ruff (décors), Christian Lacroix (costumes) et Stéphanie Daniel (lumières)
puisent dans le cinéma italien du tournant des années 1960, de De Sica à
Fellini, qui s’inspirait volontiers de la commedia
dell’arte pour mieux le réinventer. Ainsi cette gifle infligée à Pasquale
par Norina qui, bien que située au troisième acte, tient une place centrale
dans l’ouvrage qui passe de la comédie au tragique sitôt qu’elle résonne, donne
un tour grotesque au barbon dont la joue reste marquée d’une énorme trace
cramoisie jusqu’à la fin du spectacle. De la comédie émane une impression d’indolence,
l’action traînant en longueur, sans flamboiement ni drame, bien que la
direction d’acteur soit efficiente, mais les rebondissements sont indolents et étonnamment
convenus. La faute émane peut-être des chanteurs-acteurs, à commencer par Alessandro
Corbelli, Don Pasquale trop grave et sans verve véritable, et à la voix vite
fatiguée, qui ne peut faire oublier Gabriel Bacquier insurpassable dans ce même
rôle. Désirée Rancatore est une Norina sans abattage aux aigus criards et aux
coloratures manquant de précision. Précédée d’éloges flatteurs, le tenore di grazia Francesco Demuro n’a
pas tenu toutes ses promesses en Ernesto, sans doute encore contraint par le
trac, mais la voix est vaillante et le timbre séduisant. Seul Gabriele Viviani
convainc sans réserve, campant, affublé d’une coiffure méphistophélique, un Dr
Malatesta satanique et charmeur. Le chef
espagnol Enrique Mazzola, qui prendra la direction musicale de l’Orchestre National
d’Ile-de-France la saison prochaine et qui s’est notamment produit dans cet ouvrage
l’an dernier à l’Opéra de Nice, dirige de façon atone un Orchestre National de France
apparemment peu concerné, à l’instar du trompettiste solo, en costume sur le
plateau, au son peu assuré et à la justesse chancelante dans le lamento d’Ernesto au début de l’acte II,
Povero Ernesto! Dalla zio cacciato, tandis
que, dans la célèbre sérénade du même Ernesto au troisième acte, Com’è gentil - la notte,
les deux guitaristes et le percussionniste sont les seuls à assurer pleinement
une vraie musicalité. C’est néanmoins au chef que l’on doit le moment le plus comique
de la soirée, survenu de façon assurément involontaire au tout début de la
représentation, lorsqu’il lança l’ouverture au moment-même où un énorme spot se
mettait à éclairer un speaker d’Arte Live qui s’apprêtait à présenter le spectacle…
Bruno Serrou
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