CD Pierre Boulez
Au début des années 2000, le chef
d’orchestre Daniel Kawka lançait en Forez le Festival Pierre Boulez. Né à
Firminy, à quelques encablures de Montbrison où naquit le compositeur, installé
à Lyon, où ce dernier fit ses études avant de se rendre à Paris, avec l’Ensemble
Orchestral Contemporain qu’il a créé en 1992 à Saint-Etienne, où Boulez fut
élève des jésuites, Daniel Kawka connaît parfaitement l’œuvre de son illustre aîné.
Le disque qu’il vient de publier chez Naïve est d’autant plus légitime que
Boulez s’est directement impliqué dans l’enregistrement, assistant aux
dernières répétitions et aux concerts qui, en juin 2011, ont précédé la
captation. D’une précision et d’une beauté sonore exemplaire, ce disque
témoigne de la fécondité de cet infatigable chercheur de sons qu’est Boulez. Avec
Kawka, l’Ensemble orchestral contemporain grave trois pièces des années 1980,
écrites pour ensembles sans électronique. Ouvert sur l’envoûtant Mémoriale (1985) avec sa flûte énigmatique
remarquablement tenue par Fabrice Jünger dialoguant avec huit instrumentistes
de la formation dont il est membre, le cd réunit les deux Dérive, l’incisif Dérive 1
pour six instruments (1984) qui bâtit et empile une texture à partir de six
sonorités dérivées du nom du chef d’orchestre et mécène suisse (Paul) Sacher jusqu’à
saturation de l’espace avant de s’éteindre, et Dérive 2 pour onze instruments répartis en cinq groupes (deux trios
et deux duos pivotant autour d’un cor solo formant ainsi une répartition
symétrique) qui constitue en fait l’essentiel de ce disque, puisqu’il s’agit
ici du premier enregistrement mondial de la version définitive. Œuvre de cinquante
minutes composée en 1988 et révisée en 2001 et 2006, Dérive 2 se fonde sur une structure complexe « en dérivation »
ponctuée de « digressions » qui ne manque cependant ni de lyrisme, ni
d’inventivité, ni de fraîcheur. Les instrumentistes suscitent toutes sortes
d’alliages de timbres et de textures, effets d’irisation. Une partition d’une
difficulté d’exécution extrême qui semble ne pas avoir de fin et dont l’épilogue
est saisissant. Si l’on peut être a priori découragé par ce somptueux labyrinthe,
la deuxième écoute convainc définitivement tant le plaisir de l’esprit et de l’oreille
l’emporte, captivé par le fantastique entrelacs de motifs et de couleurs.
Bruno Serrou
1CD Naïve MO 782183 (1h03')
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