dimanche 5 février 2012

Au Capitole de Toulouse, le metteur en scène Gilbert Deflo embrouille l’opéra le plus abscons de Verdi, "Il Trovatore", sauvé par le chef Daniel Oren


Toulouse, Théâtre du Capitole, vendredi 3 février 2012
 
Luciana D'Intino (Azucena) - Photo : Capitole de Toulouse - DR

 Volet central de la grande trilogie populaire que Giuseppe Verdi (1813-1901) conçut en 1851-1853, placé entre Rigoletto et La traviata, Il Trovatore (Le Trouvère) est des trois ouvrages à la fois le plus conventionnel du point de vue musical et le plus alambiqué côté livret. Comme si le compositeur avait voulu compenser une intrigue notoirement invraisemblable et abscons par une partition directement expressive et d’une intensité dramatique au romantisme exacerbé. Fondé sur un livret singulièrement embrouillé de Salvadore Cammarano et Leone Emanuele Bardare inspiré de la pièce El trovador (1836) du dramaturge espagnol Antonio García Gutiérrez (1813-1884) chez qui Verdi avait déjà puisé en 1843 le sujet de Simon Boccanegra, Il Trovatore cumule les situations les plus abracadabrantes qui reflètent un goût prononcé de l’excessif et du sinistre, du fatal et du tragique.

Les quatre parties précédées d’un prologue de l’opéra portent des titres indiquant l’action et son cadre, le duel, la gitane, le fils de la gitane, le supplice, le tout contant l’histoire de deux hommes, un puissant, le comte de Luna, et un trouvère, Manrico, amoureux d’une même jeune-femme, Leonora. Rivalité qui incite les deux prétendants à un combat mortel alors que, sans le savoir, ils sont frères, tandis qu’une gitane, Azucena, qui entend venger sa mère morte sur un bûcher après avoir tué l’un de ses enfants, s’avère être leur demi-sœur. Ce drame surréaliste et inextricable se termine de macabre façon, Leonora s’empoisonnant pour échapper à l’aîné à qui elle s’est promise afin de sauver le cadet, qui, lui-même, finit sur l’échafaud auquel son frère l’a condamné…

Réalisée avec le Liceu de Barcelone et Opera de Oviedo, la nouvelle production du Trouvère vue vendredi au Théâtre du Capitole de Toulouse(1) est signée Gilbert Deflo. Sa mise en scène sans direction d’acteur laisse les chanteurs errer l'âme en peine sur un plateau vide, allant à l’encontre de ses propres notes d’intention qui revendiquent des chanteurs-acteurs, tandis que la scénographie de William Orlandi est réduite à des déploiements et chutes de vélums de soie à la plastique plus ou moins réussie mais d’un usage si intensif et systématique qu’il en devient agaçant, y compris pour les cintres qui finissent par bloquer l’un d’eux, interrompant ainsi le spectacle quelques minutes, et à des costumes quelque peu caricaturaux. Au lieu d’en éclairer l’intrigue, cette dramaturgie rend l’opéra plus incompréhensible encore.

Heureusement, l’aspect musical sauve la production du naufrage, grâce à la direction habitée et nuancée de Daniel Oren, qui dirigera en avril prochain à l’Opéra de Paris(2), attentif aux chanteurs et jouant d’un nuancier subtil qui, de toute évidence, enchante l’Orchestre du Capitole et enjolive une distribution inégale dominée par l’émouvante Leonora de Carmen Giannattasio et par l’impressionnante Azucena de Luciana D'Intino et, côté masculin, par le puissant Manrico de Marco Berti.

Bruno Serrou
1) A noter que cette production est confiée en alternance à une équipe de jeunes chanteurs
2) Du 13 avril au 11 mai, Cavalleria rusticana et Pagliacci à l’Opéra Bastille

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