dimanche 9 mars 2025

Remarquable concert de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et son nouveau directeur musical, Tarmo Peltokoski, avec en soliste la brillante violoncelliste Sol Gabetta

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mardi 4 mars 2025 

Tarmo Peltokovski, Orchestre National du Capitole de Toulouse
Photo : (c) Charles d'Hérouville

Impressionnant concert de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et de son jeune chef finlandais Tarmo Peltokoski, direction aérée, précise, gestique ciselée, tout en souplesse et en maîtrise, laissant l’orchestre respirer, cela dès le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, jusqu’à une « Titan » de Mahler au cordeau, chantant à pleins poumons, après un prolifique moment concertant avec une émouvante et lumineuse Sol Gabetta dans Schelomo d’Ernest Bloch et en bis Prayer pour violoncelle et orchestre du même Bloch 

Tarmo Peltokovski, Orchestre National du Capitole de Toulouse
Photo : (c) Charles d'Hérouville

Comme le confirme le concert donné mardi avec un programme franco-helvèto-autrichien du tournant XIXe-XXe siècles (1888-1916), l’Orchestre National du Capitole de Toulouse a bien de la chance depuis sa réforme en 1968 sous l’égide de Michel Plasson, grand défenseur de la musique française comme la postérité l’atteste par le biais de plus d’une centaine de disques. Après trente-cinq ans de présence, le chef français cède la place en 2003 à un jeune chef ossète, Tugan Sokhiev, qui porte la phalange occitane à un niveau supérieur encore, élargissant son répertoire pendant ses quinze années de direction musicale à partir de 2008 jusqu’en 2022, suite à sa double démission de ses fonctions à Toulouse et au Théâtre du Bolchoï de Moscou suscitée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Désormais, c’est le chef finlandais Tarmo Peltokoski, né avec le siècle, qui en est le chef titulaire, faisant ainsi perdurer la lignée des grands directeurs d’orchestre finlandais. Directeur musical de la formation toulousaine depuis septembre dernier, Peltokoski prouve d’ores et déjà qu’il est le digne héritier de ceux qui l’ont précédé à ce poste, et combien orchestre et chef sont en osmose totale.

Sol Gabetta, Orchestre National du Capitole de Toulouse
Photo : (c) Charles d'Hérouville

Ce qui a été mis en évidence dès la délectable introduction à la flûte puis aux bois du Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy. Œuvre délicate à dompte tant les équilibres sont raffinés et l’expression onirique et captivante, véritable juge de paix en matière instrumentale, orchestrale, en précision, expressivité. L’œuvre concertante a été la partition la plus fameuse d’Ernest Bloch Schelomo (Salomon), « rhapsodie hébraïque » pour violoncelle et orchestre avec laquelle le compositeur genevois a conclu son Cycle hébraïque en 1915-1916 dont la création a été donnée le 3 mai 1917 au Carnegie Hall de New York sous la direction d’Artur Bodanzky et, en soliste Hans Kindler, violoncelliste hollandais qui avait participé en 1912 à Berlin à la création de Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg. Dialoguant en parfaite intelligence avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse avivé avec magnificence et sensibilité mais sans aucun pathos par la direction soigné de Tarmo Peltokoski, Sol Gabetta, qui connaît intimement cette œuvre qu’elle a brillamment enregistrées (1), a porté avec une intensité bouleversante magnifiée par une palette sonore d’une chaleur, d’une diversité de coloris et de nuances. En bis, soliste et orchestre ont donné avec ferveur une autre pièce hébraïque de Bloch pour violoncelle et orchestre, Prière, andante moderato d’inspiration ashkénaze extrait du triptyque From Jewish Life composé en 1924 pour Hans Kindler.  

Tarmo Peltokovski, Orchestre National du Capitole de Tououse
Photo : (c) Charles d'Hérouville

Tarmo Peltokoski s’est montré particulièrement à l’aise dans l’univers mahlérien, dirigeant avec allant et une extrême précision dans l’expression de ses gestes souples et aérés, au point que l’Orchestre a respiré avec un naturel extrême dans cette œuvre d’une extrême virtuosité. Le jeune chef finlandais est de toute évidence en parfaite intelligence dans cette musique complexe à mettre en place tant les structures sont complexes, mettant à la fois en relief les lignes de force, l’architecture, l’unité à travers la pluralité, la multiplicité des plans apparaissant en toute clarté, tout en soulignant l’hétérogénéité de l’inspiration, à la fois populaire, foraine, militaire, noble et grave, les brutalités, les saillies, la nostalgie. Unité et altérité dans la conduite de l’œuvre, la rythmique, le phrasé, les respirations étant extraordinairement en place, le chef finlandais évitant a en outré pathos et effets trop appuyés. Son orchestre a répondu avec empressement, suivant son chef sans broncher jusqu’aux limites de la virtuosité sans aucune faute et avec une homogénéité exemplaire. Les cordes sont sûres, et brûlantes moelleuses (belles sonorités de la contrebasse solo, des altos et des violoncelles), les bois sont colorés et admirablement nuancés (magnifique hautbois, mais aussi flûtes, bassons, clarinettes), cors onctueux, une première trompettes vaillantes, trombones et tuba au diapason. L’Orchestre National du Capitole de Toulouse conforte avec son nouveau directeur musical, Tarmo Peltokovski sa place parmi les meilleures phalanges d’Europe acquise en cinquante-sept ans d’existence et trois directeurs musicaux.

Bruno Serrou

1) 1 CD Sony Classical 88883762172 

mercredi 5 mars 2025

Touchant hommage de ses pairs au compositeur Bruno Ducol mort voilà un an

 Paris. Salle Edouard Colonne. Vendredi 14 février 2025

Concert bouleversant le 14 février, Salle Edouard Colonne dans le XIIIe arronbdissement de Paris, archi-comble en hommage au compositeur Bruno Ducol mort le 11 janvier 2024 à l'âge de soixante-quatorze ans. 

Etsuko Chida
Photo : (c) Bruno Serrou

Peu de ses confrères compositeurs étaient présents, malgré les annonces faites sur les médias sociaux, pas davantage de confrères journalistes, en revanche quelques-uns de ses interprètes favoris dans plusieurs de ses œuvres. 

Jean-Claude Pennetier
Photo : (c) Bruno Serrou

Avec les pianistes Jean-Claude Pennetier, Alain Louvier, également compositeur dans deux de ses propres paritions pour piano, Louise Bessette, Jonas Vitaud, les violoncellistes Alexis Descharmes, membre du Quatuor Diotima, et Raphaël Merlin

Mathieu Marie, Orlando Bass, Laura Holm
Photo : (c) Bruno Serrou

Les flûtistes Odile Renault, François Picard, la kotoïste Etsuko Chida, la chanteuse Laura Holm, qui, avec le pianiste Orlando Bass, a donné la création mondiale de l’œuvre ultime de Bruno Ducol, l’humble et tragique Entre regard et silence resté inachevé sur le pupitre du compositeur à sa mort, donné en cette soirée bouleversante avec une émotion partagée par Laura Holm, Orlando Bass et le comédien Mathieu Marie, soirée organisée avec une touchante attention par son épouse, Annie Ducol, avec la participation discrète mais émouvante de leurs enfants.

Bruno Serrou