Nancy. Opéra national de Lorraine. Vendredi 17 décembre 2020
Pour clore joyeusement l’an 2021 de tous les dangers, l'Opéra national de Lorraine propose à Nancy une Flûte enchantée de Mozart délicieusement onirique
Pensée par ses concepteurs, Mozart son compositeur, et Schikaneder son librettiste, pour le théâtre populaire, la Flûte enchantée ouvre à toutes les fantaisies, des plus chargées en symboles plus ou moins abscons jusqu’aux plus délirantes. Alliant poésie, rêve, effroi, légèreté, profondeur, vie et mort intimement imbriquées, cette œuvre est aussi trop souvent rattachée à l’ésotérisme.
Ce que donne à voir et entendre l’Opéra national de Lorraine déleste l’œuvre la plus prisée de Mozart de son fatras néo-maçonnique dans une mise en scène d’Anna Bernreitner d’esprit naïf hérité des tréteaux de commedia dell’arte s’avère à la fois souriant et grave. Au sein de décors tournants dignes du Douanier Rousseau d’Hannah Oellinger et Manfred Rainer, qui signent également costumes et animations murales d’animaux géants tandis que les trois enfants s’égayent sur un toboggan de square, le spectacle proposé par la directrice fondatrice du groupe Oper rund um basé à Vienne investit le monde de l’enfance, avec son optimisme éclatant, ses angoisses incontrôlables, son onirisme primesautier. « Remettant au goût du jour » le livret selon ce qu’elle entend démontrer, la metteuse en scène autrichienne, pour sa première production en France, défait adroitement la Flûte enchantée de ses attributs ésotériques pour se focaliser sur l’humanisme merveilleux, le féerique candide en proposant une méditation à la fois métaphysique et ingénue sur la vie et la mort pour tous, enfants et adultes, à l’instar de l’élan populaire qui a gouverné les concepteurs de l’œuvre.
Sous la direction moirée du chef hollandais Bas Wiegers connu pour son engagement pour la musique contemporaine, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Lorraine souple aux sonorités flatteuses, ainsi qu’un chœur cohérant, cette Flûte enchantée séduit musicalement. Au sein d’une distribution homogène, seule la Pamina de Christina Gansch déçoit. Christina Pulitsi est une Reine de la Nuit à la voix flexible qui impressionne par l’aisance dont elle témoigne constamment suspendue dans le vide, David Leigh est un excellent Sarastro, Jack Swanson un Tamino élégant et serein, Michael Nagl un Papageno juvénile au timbre clair, Anita Rosati une Papagena primesautière, Mark Omvlee un Monostatos solide, Christian Immler un noble orateur, Susanna Hurrell, Ramya Roy et Gala El Hadidi constituent un brillant trio de Dames, à l’instar des deux hommes d’armes d’Ill Ju Lee et Benjamin Colin. Mais il faut surtout saluer trois femmes du chœur qui ont sauvé in extremis la représentation substituant leur chant côté cour à celui des trois enfants prévus décelés positifs au Coviod-19 remplacés sur le plateau par autant de jeunes mimes…
Bruno Serrou
Opéra de Nancy, jusqu’au 28/12/21. Rés. :
03.83.85.33.11. www.opera-national-lorraine.fr/fr/