vendredi 24 mai 2024

Fabuleux récital Arcadi Volodos pour Piano**** Philharmonie de Paris

 Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 24 mai 2024

Arcadi Volodos. Photo : (c) Bruno Serrou

Envoûtant concert Piano**** à la Philharmonie de Paris jeudi soir, avec un récital fascinant d’Arcadi Volodos dans la Sonate n° 8 de Franz Schubert, les Davidsbündlertanze op. 6 de Robert Schumann et un arrangement personnel de la Rhapsodie hongroise n° 13 de Franz Liszt, auxquels se sont ajoutés quatre brillants bis. De son toucher de magicien, il exalte un nuancier d’une intensité et d’une richesse prodigieuse, suscitant non seulement des pianissimi d’une légèreté et d’une fluidité surnaturelle, mais aussi de fortissimi puissants et somptueusement colorés.

Atcadi Volodos. Photo : (c) Bruno Serrou

Arcadi Volodos est l’un des pianistes les plus fascinants de sa génération. A 52 ans, profondément assis, épaules appuyées sur le haut du dossier d'une chaise pliante noire, le musicien pétersbourgeois s’impose toujours davantage comme un immense poète du clavier. Son jeu simple et coulant avec naturel suscite une diversité de climats qui trahit une sensibilité surnaturelle. Le programme de son récital a permis au public réuni à la Philharmonie de goûter l’impressionnante diversité de son art, sa technique d’airain au service d’une virtuosité si pure et limpide qu’elle en devient immatérielle, une expressivité à fleur de peau, un chant suprêmement épanoui, un sens de la couleur et de la nuance hors normes…

Arcadi Volodos. Photo : (c) Bruno Serrou

Ainsi en a-t-il été de l’ample Sonate pour piano n° 18 en sol majeur D. 894 de Franz Schubert (1798-1828) de 1826. Dédiée à son ami Josef von Spaun, l’une des rares publiées du vivant de son auteur, en 1826, sous le numéro d’opus 78, après les seizième (op. 42) et dix-septième (op. 53). Robert Schumann considérait cette grande partition en quatre mouvements déployés en une quarantaine de minutes comme « la plus parfaite des sonates de Schubert quant à l’esprit et à la forme », tandis que Franz Liszt la qualifiait de « poème virgilien ». Arcadi Volodos, dont la conception est un modèle d’unité et de chaleur tout en sollicitant une diversité de climats trahissant une sensibilité extrême, en a donné une interprétation claire, onirique, sans affectation mais portant à la méditation, sollicitant jusqu’au plus profond et dramatique les épisodes les plus tendus, pour retourner au climat détendu qui gouverne le mouvement initial que l’on retrouve dans le finale, et faisant chanter avec une délicate mélancolie, avec laquelle contraste un délicieux menuet.  

Arcadi Volodos. Photo : (c) Bruno Serrou

Le cycle de deux fois neuf pièces contant les relations de deux personnages aux caractères opposés, Florestan et Eusebius, dédié à Wolfgang von Goethe, Davidsbündlertänze op. 6 (Danses de David) de Robert Schumann (1810-1856), a été créé le 14 août 1837 - il sera donné pour la première fois en public le 15 mars 1869, à Budapest, par Johannes Brahms. L’œuvre est emplie des sentiments amoureux de Robert Schumann pour Clara Wieck, avec qui il s’était fiancé deux mois avant la première exécution et dont il cite la devise dans la première pièce. Il y évoque ses projets de mariage tout en imprégnant ses pages de contrastes saisissants où s’entremêlent intimement ombre et lumière, souffrance et bonheur, vaillance et angoisse, le conflit des deux pseudonymes que s’était attribués le compositeur, Florestan, le coureur de tempêtes exubérant et crâne, et Eusebius, le doux jeune homme qui reste modestement à l’arrière-plan gouvernant l’œuvre entière. Sous les doigts magnétiques de Volodos, les miniatures schumanniennes ont constitué autant de pages d’un journal d’images dont la narration a été si prenante que l’auditeur a eu l’impression de traverser une multitude de paysages-caractères d’une densité et d’une variété stupéfiantes, au point que le temps est rapidement apparu comme suspendu dans le halo d’un mirage, le temps et l’espace fusionnant pour se disperser soudain aux quatre vents, tant qu’il est très vite apparu impossible de s’extraire de ce moment littéralement féerique.

Arcadi Volodos. Photo : (c) Bruno Serrou

Mais le réveil n’a pas été trop rude, Arcadi Volodos se lançant après une courte pause de deux allers-retours plateau-scène, dans une puissante Rhapsodie hongroise n° 13 en la mineur S. 244/13 de Franz Liszt (1811-1886) publiée en 1853, la moins jouée de ses dix-neuf rhapsodie, dans un arrangement personnel qui lui a permis davantage encore que dans l’original de jouer d’une large palette sonore plus large, autant dans la partie lente du début, la section Friska qui commence sur le célèbre Allegro molto vivace du Zigeunerweisen (Sage Gitan) de Pablo de Sarasate (1844-1908) (Ketten mentünk, harman jöttünk, Nous sommes partis à deux, nous sommes revenus à trois) que dans la bourrasque virevoltante de la seconde partie, où est citée la chanson folklorique hongroise Nem, nem, nem, nem megyünk mi innen el (Non, non, non, non, nous ne sortirons pas d’ici).

Arcadi Volodos. Photo : (c) Bruno Serrou

L’enthousiasme du public a été tel au terme de chacun des trois œuvres de son programme, et son plaisir de jouer si prégnant, qu’Arcadi Volodos a offert pas moins de quatre bis, commençant par How Fair This Spot (Comme cet endroit est juste), septième des douze Romances op. 21 de Serge Rachmaninov (1873-1943), le troisième des Moments musicaux de Franz Schubert, Malagueña du compositeur cubain Ernesto Lecuona (1895-1963) et concluant sur La Sicilienne d’Antonio Vivaldi (1678-1741) dans la transcription de Johann Sebastian Bach (1685-1750).

Bruno Serrou 

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