Strasbourg, Grande salle de la Cité de la Musique et de la Danse,
vendredi 9 janvier 2015
Ottorino Respighi (1879-1936), la Belle au bois dormant, production Opéra Studio de Colmar. Photo : (c) Alain Kaiser / Opéra du Rhin
Le déplacement à Strasbourg pour
un conte de fées restera comme l’un des plus longs et pénibles de toute ma vie
professionnelle. Il ne s’est pourtant agi que d’un aller-retour dans la journée,
en TGV depuis Paris. Peu après le départ, alors que le train roulait à pleine vitesse
sur la ligne à grande vitesse tombaient sur mon téléphone les premières alertes
de mes abonnements presse. Tristesse, angoisse et rage au cœur, mes pensées ne
pouvaient plus se détourner de ce qui était en train de se nouer Porte de
Vincennes, à moins de cinq cents mètres du lieu de vie de la majorité de ma
famille et de la clinique où est censée se reposer ma compagne après une opération
chirurgicale. Arrivé à destination, j’ai éprouvé d’énormes difficultés pour
entrer dans l’opéra que j’étais venu découvrir. D’autant plus qu’il s’agissait
d’une représentation scolaire durant laquelle les enfants se sont montrés
plutôt excités. La police, présente dans les rues de Strasbourg, était plutôt
discrète autour de la Cité de la Musique et de la Danse pourtant dotée non seulement d’une
salle de spectacle, mais aussi siège du CRR de Strasbourg et du Festival Musica,
tandis qu'un millier d'enfants se bousculaient dans le hall pour voir la Belle
au bois dormant s’éveiller sous les doux baisers d'un prince charmant… C’est
dire la gageure qu'a représenté le fait de m’intéresser au sort d’une héroïne de
conte de fées, aussi charmante soit-elle, tandis que se déroulait l’un des événements
les plus tragiques du dernier demi-siècle en France.
Ottorino Respighi (1879-1936), la Belle au bois dormant, production Opéra Studio de Colmar. Photo : (c) Alain Kaiser / Opéra du Rhin
Pourtant, envoyé à Strasbourg
pour un compte-rendu à paraître dans le quotidien auquel je collabore dans la
perspective de représentations parisiennes (1), il m’a bien fallu faire mon
maximum pour me concentrer sur le spectacle que j’étais venu expressément voir
et écouter. Connu essentiellement pour son dytique symphonique les Fontaines de Rome (1916) et les Pins de Rome (1924), Ottorino
Respighi (1879-1936) est comme tous les compositeurs italiens avant tout un
lyrique. Pourtant, les neuf opéras et cinq ballets de ce musicien qui entretint
des relations privilégiées avec Mussolini restent méconnus, à l’exception de la Fiamma (la Flamme, 1934) parmi les premiers, et de la Boutique fantasque (1919) d’après Rossini pour les Ballets
russes parmi les seconds. Mais la Belle
au bois dormant (la Bella addormentala nel bosco, 1922),
conte musical en trois actes d’après Charles Perrault qui a pourtant bien des atouts pour séduire n’avait guère franchi les Alpes avant la semaine
dernière. Pourtant, le charme opère autant qu’avec Hänsel et Gretel d’Engelbert Humperdinck. Créés à trente ans de
distance, ces deux opéras pour petits et grands doivent autant l’un que l’autre
à Richard Wagner. Il faut dire que le réveil de la Belle endormie par le Prince
charmant renvoie inévitablement au réveil de Brünnhilde par Siegfried sur son
rocher dans le finale de la deuxième journée du Ring. Il convient d’ajouter chez l’Italien une rutilante proximité
avec l’orchestre et la flamboyance de Giacomo Puccini.
Ottorino Respighi (1879-1936), la Belle au bois dormant, production Opéra Studio de Colmar. Photo : (c) Alain Kaiser / Opéra du Rhin
L’Opéra Studio de Colmar,
structure de formation et d’insertion professionnelle pour jeunes chanteurs
directement attachée à l’Opéra national du Rhin qui se plaît à programmer des ouvrages rares ou à passer des commandes spécifiques, donne avec ses huit chanteurs et
ses deux pianistes chefs de chant la création française en français de cette romantique
histoire de la Belle qui se pique et s’endort jusqu’à ce que le baiser d’un
Prince finisse par l’éveiller. Vu durant une représentation scolaire entouré
d’enfants de quatre à onze ans peu concentrés dans la grande salle de la Cité
de la Musique et de la Danse de Strasbourg il est vrai très sonore, la
production m’a séduisant, malgré le contexte évoqué en liminaire.
Ottorino Respighi (1879-1936), la Belle au bois dormant, production Opéra Studio de Colmar. Photo : (c) Alain Kaiser / Opéra du Rhin
Dans les
décors de tulles de Carles Berga et les costumes colorés de Nidia Tusa,
Valentina Carrasco réalise une mise en scène onirique où se déploie une
distribution pimpante et tonique dominée par la gracieuse princesse de Kristina Bitenc. Une petite réserve néanmoins pour la Fée bleue de Rocio Pérez, voix et
diction peu assurées. Mais Marie Cubaynes excelle dans ses trois rôles de Fée verte / Vieille édentée / Duchesse. Dans la fosse, Vincent Monteil, directeur
musical de l’Opéra Studio, donne de la partition une lecture luxuriante à la
tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, auquel se substituera à Paris
l’Ensemble Le Balcon.
Bruno Serrou
1) Paris, Théâtre de l’Athénée, du 17 au 22 janvier. Rés. : 01.53.05.19.19. www.athenee-theatre.com
Cher Monsieur,
RépondreSupprimerMerci pour ce très bel article. Je me permets de vous signaler que Gaelle Alix ayant été malade le vendredi 9 janvier, c'est moi qui l'ai remplacé dans le rôle de la Princesse. Je serais très heureuse si vous pouviez changer le nom dans l'article ; cela me permettrait ainsi de l'utiliser.
Vous remerciant d'avance,
Bien cordialement,
Kristina Bitenc
Voilà qui est fait.
SupprimerMais pourquoi donc ce changement de dernière minutes n'a-t-il pas été annoncé au début de la représentation, ou, mieux encore, n'a-t-il pas fait l'objet d'un insert dans le programme ?...
Je vous remercie d'avoir lu attentivement ce compte-rendu que j'ai ainsi pu corriger.
Bien cordialement
BS